Le principal gendarme financier des Québécois, l'Autorité des marchés financiers (AMF), tient aujourd'hui à Montréal son «Rendez-vous 2014» pour les professionnels des services financiers et des placements boursiers.

Parmi les invités de marque de Rendez-vous 2014, les participants verront David Wright, secrétaire général de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV). Cet organisme établi à Madrid est le principal regroupement des régulateurs financiers et boursiers de la planète. Avant son déplacement à Montréal, La Presse Affaires lui a posé quelques questions.

Q Pourquoi avez-vous accepté de participer à cette conférence?

R Pour moi, cette invitation de l'AMF est importante parce que son président, Louis Morisset, et son homologue en Ontario, Howard Wetston, font partie des interlocuteurs les plus respectés dans notre organisation. Pour leur expérience et leurs compétences, d'une part, mais aussi pour leur contribution à nos principaux travaux en matière de réglementation des marchés financiers. Louis Morisset, par exemple, dirige nos travaux sur la cybercriminalité comme un nouveau risque pour les marchés financiers.

Q De votre point de vue mondial, quels sont les progrès les plus importants réalisés depuis deux ans en matière de surveillance et de réglementation des marchés financiers?

R Sur le plan global, le système financier s'est beaucoup solidifié et stabilisé. Grâce au rehaussement des normes de capital dans les banques, d'une part, mais aussi la consolidation continue des grandes firmes financières qui étaient en difficulté, en Europe et aux États-Unis surtout.

Par ailleurs, l'important marché de produits dérivés, en particulier celui des swaps de taux d'intérêt (parmi les facteurs aggravants de la crise financière de 2008) est bien mieux encadré et surveillé. Plus de la moitié des transactions de swaps passent désormais par des marchés réglementés, au lieu de se faire en gré à gré à l'insu des régulateurs.

Enfin, dans le secteur du «shadow banking», notamment les sociétés non bancaires qui accaparent une part croissante du grand financement d'affaires, les points de vue convergent de plus en plus vers des moyens concrets d'en renforcer la supervision et la réglementation.

Q En contrepartie, quels sont les principaux problèmes de régulation financière et boursière qui demeurent en mal de solutions satisfaisantes?

R Avec la multiplication des instruments financiers de type non bancaire, et la croissance rapide de ces marchés encore éparpillés, c'est très important que les régulateurs puissent en améliorer leur information et leur compréhension. Afin de mieux cerner et surveiller le risque «d'exposure» pour les intervenants des marchés financiers.

Par ailleurs, nous voyons émerger de nouveaux risques pour les marchés financiers, comme la cybercriminalité, contre lesquels nous devrons sans doute intervenir davantage.

Aussi, nous devons demeurer très vigilants envers les comportements de certains intervenants financiers qui sont encore loin d'être parfaits, comme ce qu'on a vu récemment avec la manipulation du Libor [indice international de financement interbancaire] et du taux de change de certaines devises.

Pour les régulateurs, ces comportements malfaisants peuvent représenter un risque systémique pour les marchés financiers. C'est pourquoi nous devons encore faire pression et menacer même certains intervenants de conséquences graves et coûteuses s'ils résistent à changer leur mauvais comportement.

Il n'est plus acceptable financièrement, mais aussi politiquement et socialement, de manipuler les marchés financiers et de flouer délibérément des clients de services financiers.

Q Durant l'après-crise financière, on a parfois eu l'impression que des régulateurs hésitaient à renforcer leur réglementation pour ne pas nuire à la compétitivité internationale de leur place financière. Qu'en est-il de la collaboration entre ces régulateurs?

R Il faut d'abord rappeler que rien dans les décisions internationales en matière de régulation des marchés financiers n'est de nature obligatoire ni soumis à un quelconque traité international officiel.

Il s'agit de mécanismes volontaires de réglementation, qui demandent des efforts honnêtes des participants.

Cela dit, la collaboration internationale pour une meilleure réglementation s'est beaucoup améliorée ces dernières années, peut-être en conséquence de l'ampleur de la crise financière de 2008.

Par ailleurs, il se produit encore, au présent et à l'avenir, des différends transfrontaliers sur un aspect ou un autre des marchés financiers, nationaux et internationaux.

Nous aurons toujours des efforts à faire pour une meilleure symétrie internationale en matière de réglementation des marchés financiers.