Des propriétaires d'établissements vétérinaires indépendants s'unissent pour créer Passionimo, une enseigne qui - ses fondateurs l'espèrent - regroupera d'ici trois ans une soixantaine de cliniques, de centres et d'hôpitaux.

L'annonce sera faite lundi soir devant les propriétaires d'une centaine d'établissements vétérinaires du Québec et de l'Ontario. «C'est une idée mûrie depuis longtemps, dit Caroline de Jaham, fondatrice (avec Michel Gosselin et Mario Comtois, entre autres) de l'enseigne et directrice générale de Groupe DMV. C'est né d'un besoin, car des établissements sont en train de se faire acheter par des non-vétérinaires, soit des investisseurs. La profession est en train de devenir un investissement.»

Dix établissements font déjà partie du réseau. «On en vise 25 la première année, 45 la deuxième et 60 à travers le Québec la troisième», dit Caroline de Jaham.

«On aurait alors une force de 75 millions de dollars, ajoute Michel Gosselin, copropriétaire de quatre hôpitaux vétérinaires. Ça permettra aux établissements d'être en meilleure santé financière.»

Ce désir de se regrouper arrive alors que la croissance du marché est nulle au Québec et en décroissance (-3,47%) au Canada. Au Québec, les revenus s'élèvent à un demi-milliard pour 440 établissements pour animaux de compagnie. «Pour assurer sa pérennité, le BAIIA [bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement] d'un établissement devrait être de 15%, explique Michel Gosselin. En réalité, il est de 6% à 8%.»

Pour adhérer à Passionimo, les propriétaires devront débourser un montant qualifié de «pas énorme» par Michel Gosselin. Un réseau d'une taille notable permettra le regroupement d'achats, pour les médicaments notamment, la création de solides programmes de formation et de l'appui à ceux qui voudront lancer une pratique et faire du marketing. «Le marketing sera important, car 50% des propriétaires de petits animaux ne consultent pas, note Caroline de Jaham. Il y a une sous-information et une sous-sensibilisation quant à la valeur des soins préventifs, par exemple. D'ici deux ans, on veut faire connaître notre marque à 25% de la population.»

Passionimo s'imposerait ainsi devant les Persistence Capital Partners (PCP) et Associate Veterinary Clinics (AVC - détenu par le fournisseur de services américain VCA Antech) qui lorgnent les cliniques et hôpitaux du Québec depuis quelques années dans le but d'y investir significativement. «C'est une menace pour une certaine vision de la médecine vétérinaire, estime Michel Gosselin. Le côté passionné va être perdu. La notion de bien-être animal va glisser en deuxième. J'ai 60 ans. C'est tentant de vendre mes hôpitaux, mais quand on croit à ce qu'on fait et qu'on veut laisser quelque chose aux jeunes, on le fait différemment.»

«Ce sont des craintes non justifiées, juge toutefois Benoît Alary, directeur de Groupe Vétéri Médic [composé de plusieurs établissements dans la grande région montréalaise]. Il n'y a pas de culture imposée.»

Depuis 2013, AVC, qui possède 65 établissements au Canada, dont quatre au Québec, détient la majorité des parts des hôpitaux de Groupe Vétéri Médic. «Il y a toujours une pression, admet Benoît Alary. AVC s'attend à un certain retour sur son investissement. Mais l'entreprise ne s'immisce pas dans les opérations quotidiennes. De toute façon, c'est une des règles de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec [OMVQ]. Un propriétaire ne peut s'immiscer dans le choix du protocole des vétérinaires.»

«Actuellement, rien ne nous laisse croire qu'on déroge à la déontologie, dit Joël Bergeron, président de l'OMVQ. Pour l'instant, ça semble adéquat. Mais la préoccupation demeure. On craint que le décisionnel s'éloigne graduellement du terrain.»

En ce sens, l'enseigne Passionimo sera-t-elle bien accueillie? «Il y a des craintes, dit Michel Gosselin. On arrive avec une idée nouvelle dans un monde conservateur.»

Les établissements ne perdront pas leur nom. Pas dans un avenir rapproché, assurent les fondateurs. «On veut aussi respecter leur unicité, promet Caroline de Jaham, car chaque relation entre l'animal et l'humain est unique et nécessite une approche singulière.»