La mesure du taux de chômage reflète de moins en moins bien l'état de santé du marché du travail, tant au Canada qu'aux États-Unis.

Elle compte plusieurs faiblesses et imprécisions.

Voilà pourquoi l'attention se porte de plus en plus sur des indicateurs complémentaires pour approfondir l'examen de ce marché qui reflète le mieux l'état général de l'économie. Ainsi, le taux de chômage ne tient pas compte de la participation de la population au marché du travail. Il mesure seulement la proportion des personnes sur le marché du travail qui cherchent activement un emploi.

C'est en fait un taux de demandeurs d'emploi. Il peut diminuer même en l'absence de nouveaux emplois quand des personnes désertent la population active parce qu'elles prennent leur retraite ou qu'elles perdent espoir de se trouver du travail. L'une ou l'autre de ces raisons n'entraîne pas le même diagnostic.

Le taux de chômage (ou de demandeurs d'emploi) ne mesure pas non plus la sous-utilisation de la main-d'oeuvre. Pourtant, bien des gens doivent se contenter de travailler à temps partiel (moins de 30 heures/semaine) ou se déclarent travailleurs autonomes, faute de détenir un emploi salarié à temps plein. Dès qu'une personne est rémunérée pour quelques heures de travail, elle n'est plus considérée comme chômeuse.

Le taux de chômage ne tient pas compte non plus de la durée du chômage. Or, l'ampleur du chômage de longue durée (plus de 26 semaines) est le signe avant-coureur de la désertion du marché du travail. Ce type de chômage a peu diminué depuis le début du présent cycle.

Des deux côtés de la frontière, on s'affaire depuis quelque temps à prendre le pouls des réelles conditions de l'emploi. Elles sont encore loin d'avoir retrouvé leur éclat d'avant la Grande Récession, même si le nombre total d'emplois est en expansion des deux côtés de la frontière.

Ce printemps, la Banque du Canada a présenté son nouvel «indicateur du marché du travail» (IMT) qui inclut plusieurs autres variables comme la dynamique des flux de chômage (le nombre de nouveaux chômeurs, soit le flux d'entrée, et le nombre de nouveaux embauchés, soit le flux de sortie), le taux d'activité qui correspond à la proportion de la population de 15 ans et plus qui détient ou cherche un emploi, le nombre d'heures travaillées et la progression des salaires. L'analyse des résultats montre que le taux de chômage embellit quelque peu l'état de santé du marché du travail canadien.

La situation est pire aux États-Unis où le taux d'activité est bien plus faible qu'au Canada (62,7% contre 66,0% en septembre).

Sous la présidence de Janet Yellen, la Réserve fédérale américaine a approfondi la compréhension du marché du travail. Il faut dire que la Fed, à la différence d'autres banques centrales centrées sur la maîtrise de l'inflation, a aussi pour mandat de maximiser l'emploi.

Elle publie désormais un «indice des conditions du marché du travail» (ICMT) qui amalgame 19 indicateurs. Outre ceux contenus dans l'IMT canadien, l'ICMT tient compte aussi des postes vacants, des taux d'embauches et de la confiance des consommateurs. Mieux, la Fed s'engage à le publier le lundi suivant la publication des enquêtes mensuelles sur le nombre de salariés non agricoles (payrolls) et sur la population active (households).

Pour l'instant, l'ICMT reflète une légère amélioration du marché du travail, moins marquée que la chute spectaculaire du taux de chômage à 5,9%.

Il y a une dizaine de jours, les économistes de la TD ont mis au point leur propre «indicateur du marché du travail» (IMT-TD) construit à partir de l'IMT et de l'ICMT. L'IMT-TD donne un bilan de santé voisin de l'IMT. Sa publication pourrait être plus régulière.

Il serait souhaitable que ce nouvel outil mesure éventuellement aussi la santé des marchés du travail des provinces. Celle du Québec inquiète depuis bientôt deux ans.

Jusqu'ici cette année, le Québec a perdu quelque 20 000 emplois et le nombre de travailleurs à temps partiel est plus élevé que la moyenne canadienne.

On saura vendredi si la situation s'améliore quelque peu, tout en ayant en tête que les données mensuelles de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada sont très volatiles.