Mis à part les incontournables menaces que constituent le groupe terroriste État islamique et l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest, le grand enjeu de l'heure des Québécois est l'état des finances publiques.

Tant pour les convaincus de l'urgence d'agir que pour les sceptiques, mieux comprendre comment et pourquoi nous en sommes là devient impératif.

Pour son édition 2013-2014, la cinquième à ce jour, Le Québec économique a choisi pour thème «Les grands enjeux de finances publiques». Le tandem formé de Luc Godbout (qui préside aussi la Commission sur la fiscalité) et Marcelin Joanis s'est entouré d'une vingtaine de chercheurs qui ratissent large: mise en perspective du Québec par rapport à ses voisins; identification des déterminants des finances publiques; enjeux de la gestion budgétaire; règles possibles de la fabrication d'un budget; et l'avenir des régimes de retraite.

Comme par le passé, le tout est complété d'un riche ensemble de fiches thématiques illustrées de graphiques clairs sur l'économie du Québec.

Premier constat: le Québec perd du terrain par rapport à la plupart des États membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il n'est plus premier, comme il y a trois ans, mais désormais sixième au classement de l'Indice Vivre mieux. L'argument voulant qu'on soit moins riches mais plus heureux perd ainsi de son mordant.

Le déficit de sa balance commerciale est devenu structurel au tournant du millénaire. Le Québec ne parvient pas à substituer une partie de ses importations (de pétrole par exemple), ni à diversifier suffisamment ses débouchés pour remplacer les pertes de parts de marché aux États-Unis au profit des pays émergents.

Jean-Pierre Aubry recommande «d'éviter les programmes qui ont pour but de faire du développement régional, mais qui pourraient avoir comme effet secondaire de réduire la productivité dans l'ensemble du Québec et la compétitivité des sociétés sur les marchés étrangers».

Faible productivité

La faible productivité des Québécois paraît au coeur des difficultés à assainir les finances publiques sans sabrer les services. Trois chercheurs du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal ont calculé que la croissance réelle des dépenses publiques par habitant avait dépassé les 70% entre 1981 et 2009, alors que l'expansion du produit intérieur brut (PIB) par habitant avait progressé d'à peine un peu plus de 40%. C'est ce qu'on appelle une difficulté structurelle...

Serge Coulombe s'attarde, quant à lui, au fédéralisme fiscal en étudiant l'évolution des transferts et la croissance à plusieurs vitesses des économies provinciales. Il en conclut que le Québec souffre un peu du mal hollandais, mais aussi du mal canadien, c'est-à-dire celui d'un pays dont le taux de change de sa monnaie est déterminé par les cours des matières premières. Il recommande que le Québec lie «l'acceptation de transporter le pétrole albertain, ou tout autre pétrole en provenance de l'Ouest, sur son territoire à une réforme en profondeur de la péréquation».

Pour sa part, le ministère des Finances présente une analyse fine du poids terrible du vieillissement de la population sur les finances publiques qui ira en s'aggravant.

Pierre Ouellette et Patrick Petit expliquent les embûches à la mesure de la productivité du secteur public, dont une partie de la mission est de nature administrative. Ils formulent néanmoins quelques pistes pour améliorer celle en éducation et en santé.

Trois autres chercheurs concluent après bien des hypothèses et des calculs que les dépenses publiques, tout comme l'impôt sur le revenu, sont progressives au Québec. Autrement dit, «les ménages les moins nantis font l'objet de plus de dépenses par rapport à leur revenu global que les ménages plus aisés en proportion de leurs revenus». Avis à ceux qui croient que la panacée est de faire payer les riches.

Deux autres textes mettent en lumière les avantages et les limites des règles budgétaires comme l'atteinte du déficit zéro ou d'un certain ratio de la dette sur le PIB. On fait aussi ressortir les bienfaits de se donner des règles structurelles plutôt que conjoncturelles de planification des dépenses.

Enfin, on fait valoir que le Régime volontaire d'épargne-retraite pourrait être amélioré pour tenir compte du risque de longévité. Quant au Régime des rentes, sa viabilité reposera sur une capitalisation accrue, notamment par le relèvement de l'âge de la retraite.

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Le Québec économique 2013-2014, Les grands enjeux de finances publiques. Collectif sous la direction scientifique de Luc Godbout et Marcelin Joanis, CIRANO et PUL, 592 pages.