Malgré l'amélioration certaine de l'économie américaine, la Réserve fédérale (Fed) entend maintenir son taux directeur près de zéro «pendant une période considérable» après qu'elle aura arrêté sa planche à billets.

Cette formule a l'air de plaire aux participants des marchés qui carburent au dopage monétaire depuis plusieurs années. Son maintien a propulsé les indices boursiers new-yorkais vers de nouveaux sommets. Elle devient cependant de plus en plus creuse.

Les prévisions médianes individuelles des 17 membres du Comité de politique monétaire (FOMC) indiquent qu'ils voient le taux directeur à 1,375%, à la fin de l'an prochain. Lorsqu'ils avaient exprimé leurs vues en juin, c'était plutôt 1,125%. Depuis décembre 2008, il flotte dans une fourchette de 0 à 0,25%.

Pour 2016, l'écart est plus grand encore: une médiane de 2,875% contre 2,5% seulement en juin. Et pour 2017, elle se situe à 3,75%, soit le niveau jugé normal à long terme.

Bref, «une période considérable» signifie moins de temps qu'en juin avant une première hausse. Sinon, les hausses du taux directeur seront plus rapides que ce à quoi s'attendaient spéculateurs et investisseurs, hier.

Cette formule avait suscité déjà la dissidence de Charles Plosser, de la Réserve fédérale de Philadelphie, en juillet. Hier, Richard Fisher, de la Réserve fédérale de Dallas, a joint sa voix à la sienne, se montrant en outre préoccupé par «des signes d'excès des marchés financiers».

Sans surprise, la Fed diminue à nouveau de 10 milliards, à hauteur de 15 milliards, ses achats mensuels d'obligations du Trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires.

En conférence de presse, la présidente de la Fed Janet Yellen a minimisé la signification de ces deux dissidences: «Ce n'est ni anormal ni surprenant dans les circonstances, compte tenu de la décision cruciale que nous aurons à prendre.»

Beaucoup d'observateurs pensent que ce sont les chiffres étonnants de l'inflation le mois dernier qui ont fait pencher la balance en faveur du statu quo. On a appris hier que l'indice des prix à la consommation avait reculé de deux dixièmes le mois dernier, freinant son rythme annuel à 1,7%. La baisse des prix de l'essence et du transport aérien explique ce recul inattendu.

Cela signifie que l'indice des dépenses personnelles de consommation ralentit aussi sa marche. C'est la mesure de l'inflation que la Fed préfère. Dans la revue de leur scénario économique, les membres du FOMC le voient aux environs de 1,5% à 1,7% en fin d'année et à 2% en 2016 seulement, soit un an plus tard que dans leurs prévisions de juin.

Devant la presse, Mme Yellen a cependant réitéré que la probabilité que le rythme du coût de la vie persiste sous la cible de 2% durant longtemps avait diminué depuis le début de l'année.

Le scénario de croissance est revu modestement à la baisse cette année: de 2,0% à 2,2% plutôt que de 2,1% à 2,3%. La révision est plus forte pour l'an prochain: de 2,6% à 3,0% plutôt que de 3,0% à 3,2%. En 2016, le rythme d'expansion est projeté de 2,6% à 2,9%, soit marginalement moins qu'en juin.

En 2017, on ne voit que de 2,3% à 2,5%, ce qui est marginalement au-dessus de la croissance prévue à long terme estimée à de 2,0-2,3% seulement.

Parallèlement, le taux de chômage devrait continuer de diminuer. De 6,1% le mois dernier, il aura reculé de un à deux dixièmes en fin d'année, mais davantage encore en 2015 et 2016. Fait à souligner, la Fed le situe de 4,9% à 5,3% fin 2017, ce qui est plus bas que le taux estimé à long terme qui oscille de 5,2% à 5,5%.

La Fed a aussi donné des indications sur la voie qu'elle entend suivre pour diminuer la taille de son bilan.

Ce n'est qu'après une première hausse de son taux directeur qu'elle cessera de réinvestir les intérêts et le principal des titres arrivés à terme qu'elle détient.

Sa prochaine réunion aura lieu les 28 et 29 octobre.

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LE FOMC

Le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale est formé de 5 membres du conseil des gouverneurs et de 5 des 12 présidents des réserves fédérales régionales. Ceux-ci ont pleine liberté de parole sur la politique déterminée par la Fed. Voici ce que quelques dissidents ont dit récemment.

Charles I. Plosser, de la Réserve de Philadelphie, est cette année le plus farouche partisan d'une lutte sans merci contre l'inflation. Par le passé, il s'est maintes fois opposé aux différentes rondes de détente monétaire. En juillet, il a marqué sa dissidence une première fois face à Janet Yellen à propos du maintien du taux directeur à un niveau plancher pour «une durée considérable» après la ronde de détente quantitative. Selon lui, une telle formulation «ne reflète pas les progrès économiques considérables réalisés vers les objectifs du Comité».

Narayana Kocherlakota, de la Réserve de Minneapolis, a marqué sa dissidence dès la première réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) présidée par Janet Yellen, en mars. Il s'opposait déjà au libellé du communiqué soulignant que la détente monétaire devait être maintenue pendant «une durée considérable» après la fin de la présente ronde d'achats d'actifs.

En 2013, Esther L. George, de la Réserve de Kansas City, s'est distinguée en votant sept fois contre le président Ben S. Bernanke. Chaque fois, elle manifestait son inquiétude devant le risque posé par une politique monétaire trop accommodante de créer des déséquilibres économiques et financiers et de nourrir les attentes inflationnistes. Elle s'est ralliée en décembre quand a commencé le ralentissement de la troisième ronde de détente quantitative.

L'annonce, en décembre, du ralentissement de la détente quantitative, a entraîné la dissidence d'Eric S. Rosengren, de la Réserve de Boston, qui jugeait prématuré un tel geste, compte tenu du taux de chômage encore élevé et du manque d'indicateurs montrant que la croissance sera durable.