Avec l'accélération des expansions américaine et canadienne, le dollar canadien avait repris un peu d'altitude ce printemps, flirtant avec les 94 cents US.

Il se trouve aujourd'hui tout juste au-dessus du seuil des 90 cents US, après avoir été déplumé de plus d'un cent et demi d'équivalence, la semaine dernière.

Il y a un an et demi à peine, il venait de quitter la parité au tour de laquelle il avait virevolté pendant plusieurs trimestres.

Il ne la retrouvera pas de sitôt, malgré l'amélioration certaine de l'économie canadienne, à l'exception notoire de son marché du travail qui influence toutefois peu celui des monnaies.

Plusieurs vents adverses éloignent le huard des hautes sphères où il aimait planer naguère encore.

Le plus puissant tourbillon est sans contredit la force retrouvée du billet vert. Si on juge énorme son gain de 4% d'équivalence face à notre monnaie au cours du présent trimestre, que dire de son appréciation de plus de 5% face à l'euro, la livre sterling ou le franc suisse et de près de 7% face au dollar néo-zélandais?

En fait, le dollar américain s'apprécie présentement face à toutes les autres grandes monnaies, à l'exception du yuan chinois que Pékin choisit de laisser flotter pour le moment, compte tenu du surplus commercial record enregistré en juillet.

Réunion de la Réserve fédérale

Les spéculateurs misent beaucoup sur la réunion de la Réserve fédérale cette semaine. Ils parient non seulement sur le fait que les autorités monétaires américaines présidées par Janet Yellen vont mettre fin à leur troisième ronde de détente quantitative depuis le début de la crise financière. Ils s'attendent surtout à ce qu'elles laissent entendre qu'une première hausse du taux directeur depuis 2006 puisse survenir dès le printemps 2015 plutôt qu'à l'été ou à l'automne.

Le récent conflit meurtrier entre Israël et le Hamas, l'invasion russe de l'Est de l'Ukraine, sans oublier l'avancée brutale de l'État islamique en Irak raniment le rôle de monnaie refuge du billet vert.

Sur un registre plus démocratique, la grande incertitude entourant les résultats du référendum sur l'indépendance de l'Écosse, jeudi, affaiblit la livre au profit du dollar. La menace voilée du gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney, selon qui une Écosse indépendante pourrait perdre l'usage de la livre sterling même si le camp du Oui entend le préserver, semble avoir peu d'effet sur un électorat qui peut voter dès l'âge de 16 ans.

Le renforcement du billet vert a pour effet d'affaiblir les prix des commodités, du pétrole en particulier, tous libellés en dollars américains.

Cela fait pression sur le huard dont le vol évolue en général dans le sens des prix de l'or noir.

Un ton neutre

Sans l'admettre expressément, la Banque du Canada n'est pas du tout fâchée par la tournure des événements. Sa grande préoccupation, c'est la reprise durable des exportations, seule capable de relancer l'investissement des entreprises, jugé trop faible.

La Banque a adopté un ton résolument neutre quant à l'évolution de son taux directeur. Fixé à 1% depuis septembre 2010, il demeure plus élevé que celui des autres banques centrales du G7. D'aucuns jugent que la Banque ne bougera pas avant la Réserve fédérale pour s'assurer que notre monnaie offre encore un certain avantage compétitif aux manufacturiers exportateurs.

S'il est vrai que les expéditions de marchandises canadiennes (les biens ouvrés en particulier) prennent de l'ampleur depuis quelques mois, il en faudra bien plus pour convaincre le gouverneur Stephen Poloz que l'économie canadienne tournera bientôt à plein régime.

Demain, il sera à Drummondville où il doit s'adresser à la Société de développement économique. Le titre de son discours est fort à propos: Le rôle d'un taux de change flottant au sein de l'économie canadienne et dans le cadre de conduite de la politique monétaire de la Banque.

Son allocution sera suivie d'une conférence de presse où, on peut le parier, il s'efforcera de ne rien dire qui serait susceptible de renverser le cours du huard à court terme.

À moyen terme, les jeux sont loin d'être faits.