Alors que les meilleurs cyclistes du monde ont rendez-vous dans dix jours au Québec, l'intérêt pour le cyclisme croît fortement chez les dirigeants d'entreprise. Mais les équipes de vélo peinent encore à trouver des commanditaires. Pourtant, ceux qui appuient ce sport de compétition y voient plusieurs avantages.

L'équipe de cyclisme féminine SAS Mazda Macogep compte sur une vingtaine de commanditaires. De Mazda à Specialized, en passant par Novatech et Natura. Mais s'assurer d'un financement annuel adéquat est un travail de tous les instants pour celui qui dirige l'équipe. «Il en coûte 450 000$ par an pour faire vivre une équipe, raconte Gérard Penarroya. Pour devenir professionnel, il faut 300 000$. Ce qui permet d'aller en Europe, en Amérique du Sud et aux États-Unis. Puis 150 000$ pour la location de véhicules et les billets d'avion, car nous sommes une équipe nationale de niveau olympique.»

SAS Mazda Macogep a récemment décroché une cinquième place à la Coupe du monde de Gatineau. Une position qui pourrait lui attirer davantage que les 200 000$ récoltés en commandites en 2013. «Un tel montant n'est pas suffisant, dit Gérard Penarroya. Il n'y avait qu'une athlète payée [un salaire d'environ 30 000$].»

Malgré l'engouement pour le sport au Québec, malgré le fait que les patrons d'entreprise se bousculent aux portes des associations de cyclisme, certaines équipes de course québécoises, même de haut niveau, font des pieds et des mains pour attirer les partenaires indirectement liés au sport qui leur permettront de briller lors des compétitions.

«Il y a un engouement au sein de la communauté d'affaires, affirme Gérard Penarroya. C'est le nouveau golf! Les 370 membres de l'ACDA [Association cycliste pour le développement des affaires] et sa liste d'attente de 200 personnes en témoignent. Mais pour être franc, ça prend beaucoup de temps pour convaincre une entreprise de devenir commanditaire, surtout d'une équipe féminine. Des fois des mois, des années.»

Après huit mois de démarches, Gérard Penarroya n'a pas réussi à convaincre un Sephora de commanditer le SAS Mazda Macogep. «Là, je tente de séduire Jouviance, dit-il. C'est difficile de convaincre les entreprises des retombées potentielles d'un partenariat. Je me positionne partout pour dire que le vélo féminin peut avoir autant de visibilité que le masculin. Que mettre un nom sur un maillot génère automatiquement des retombées.»

«Pourtant, 95% des clubs commandités portent le nom de leur commanditaire, note Bruno Vachon, directeur technique hors route de la Fédération québécoise des sports cyclistes. Et les athlètes l'acceptent sans problème.»

Entaché par des histoires de dopage, le vélo est-il moins attrayant que d'autres sports? «C'est la situation de la commandite sportive en général, répond Bruno Vachon. Il y a un resserrement. Les entreprises ont des attentes de plus en plus élevées. Même si beaucoup sont prêtes à donner, ça demeure un marché pour l'acheteur, et non le vendeur!»

SAS Mazda Macogep peut néanmoins compter aussi sur l'appui de la Banque Scotia (comme Garneau sur Québecor, par exemple). «Plus portée à soutenir de grands événements, résume Gérard Penarroya. Mais dans les grandes entreprises, ça prend quelqu'un qui est maniaque de vélo au sein de la direction pour qu'il y ait un intérêt.»

Mais ça reste l'exception. «Et approcher des sièges sociaux est difficile, dit Bruno Vachon. Il faut vraiment être bien structuré. Donc, les petits clubs vont davantage chercher des partenaires locaux.»

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Ils ont sauté dans la course

Transports Lacombe a signé en 2014 une entente de 3 ans comme partenaire principal d'une équipe masculine de cyclisme: Transports Lacombe Devinci. «Les jeunes ont bien fait cette année, note le président Luc Lafontaine. L'équipe a terminé troisième aux Mardis Cyclistes de Lachine. Ça nous donne vraiment beaucoup de visibilité et de possibilités de réseauter, puisque les courses sont suivies par RDS et d'autres médias, jusqu'aux États-Unis. Notre nom est souvent sorti dans les médias.»

L'entreprise de déménagement souhaite faire gonfler son chiffre d'affaires de 50% d'ici 2017. L'automne dernier, elle songeait donc à une stratégie de croissance. «On a eu un très gros contrat de déménagement, celui du Centre de recherche du CHUM, et on voulait tabler là-dessus, dit Luc Lafontaine. En réseautant, j'ai appris que des équipes de vélo poussaient un peu partout et que c'était un sport en croissance marquée.»

Transports Lacombe donnera annuellement à l'équipe un montant dans les cinq chiffres.

«Notre positionnement sur le web était presque nul avant, ajoute Luc Lafontaine. Quatre mois plus tard, je reçois des courriels. On nous appelle et on nous réfère. On note déjà une augmentation de 10% de notre chiffre d'affaires dans un milieu où la concurrence est élevée. Quand on demande aux gens où ils nous ont trouvés, on nous répond de plus en plus souvent qu'on a découvert qu'on commanditait une équipe de cyclistes. Le vélo donne aussi une perception positive de notre entreprise, dans une industrie qui a une image plutôt négative. Ça pourrait même éventuellement nous apporter une image plus haut de gamme.»

L'idée de dépassement tant individuel qu'en équipe est aussi évoquée parmi les avantages de se coller au cyclisme. «L'enthousiasme des cyclistes envers leur sport est élevé, dit Alain Desrochers, directeur général, Québec, de Mazda Canada, engagée dans le cyclisme depuis une décennie. C'est un sport versé dans la performance et le dépassement de soi. Ça ressemble beaucoup à notre marque.»

«Un look professionnel»

Pour SAS Mazda Macogep, Mazda Canada fournit des véhicules utiles aux déplacements de l'équipe féminine. Et depuis quatre ans, le centre de distribution et de formation dans le domaine de la protection de véhicules Jolifilm colle les logos des différents commanditaires de l'équipe sur les voitures Mazda. Un soutien évalué à 5000$ par an.

«Ça donne un look professionnel à l'équipe, mentionne Stephan Jolicoeur, président de Jolifilm. Et à long terme, on crée des contacts commerciaux. Grâce à ça, j'ai attiré une nouvelle gamme de produits dans mon commerce. Je suis maintenant détaillant de Thule. Dans les environs de mon commerce, personne ne vendait ce produit.»