Dans le sillage d'une série d'autres groupes de médias américains, Gannett a annoncé mardi son intention de séparer ses journaux, dont le quotidien USA Today, de ses activités audiovisuelles et numériques.

«C'est le bon moment pour créer deux entreprises distinctes qui auront une croissance supérieure à celle réalisée sous la même enseigne», a affirmé la patronne de Gannett, Gracia Martore, lors d'une téléconférence présentant l'opération aux analystes.

Le groupe compte distribuer gratuitement à ses actionnaires les titres d'une nouvelle société où seront logées USA Today, le seul quotidien national du pays, mais aussi 81 quotidiens régionaux et plus de 200 publications.

Mme Martore restera à la tête de la seconde société, qui sera présente au sein d'un tiers des foyers américains avec un portefeuille de 46 chaînes locales de télévision et la plus grosse franchise pour les réseaux NBC et CBS. S'y ajouteront des activités numériques, comme CareerBuilder, le plus gros site d'offres d'emplois aux États-Unis, ou celui d'annonces automobiles Cars.com dont Gannett va racheter à d'autres entreprises du secteur les 73% qui lui manquaient encore au capital pour 1,8 milliard de dollars, a-t-il annoncé parallèlement mardi.

Les deux entités seront cotées en Bourse, Gannett assurant mardi que celle de presse n'aurait au départ «pratiquement aucune dette». L'objectif affiché est de mener à bien la scission d'ici mi-2015.

Manque de rentabilité 

Pour les analystes de la banque Barclays, «la séparation des activités dans les journaux aurait dû avoir lieu depuis longtemps».

Gannett s'efforçait en effet depuis un moment déjà de renforcer par des acquisitions ses activités dans la télévision, pour compenser le déclin de sa presse imprimée traditionnelle, confrontée comme le reste du secteur à la concurrence d'internet.

«Les journaux représentent 70% du chiffre d'affaires de Gannett, mais la diffusion télévisée produit 60% des bénéfices», relève aussi dans un blogue Ken Doctor, un analyste de la société de recherche Outsell spécialisé dans les médias, évoquant «une inadéquation claire d'un point de vue financier».

Mme Martore fait valoir que la scission «dégagera de la valeur importante pour les actionnaires à proche et moyen terme» et que chaque nouvelle entité «sera mieux à même de faire des acquisitions».

Des arguments similaires à ceux avancés ces derniers mois par d'autres groupes de médias diversifiés ayant eux aussi séparé leurs activités de presse de celles plus rentables dans l'audiovisuel.

Le magnat Rupert Murdoch avait été l'un des premiers à scinder son empire, après un scandale d'écoutes illégales qui avaient éclaboussé certains de ses titres britanniques. Depuis fin 2013, ses activités d'édition (Harper Collins, Harlequin) et de presse (le Wall Street Journal, le Times de Londres) font partie de la société News Corp, tandis qu'une autre entreprise, 21st Century Fox, réunit les activités de télévision (Fox, BSkyB) et les studios de cinéma (20th Century Fox).

Le prestigieux quotidien Washington Post a aussi été cédé l'an passé par la famille Graham, son actionnaire depuis quatre générations, au patron-fondateur du distributeur en ligne Amazon Jeff Bezos. La holding familiale a en revanche conservé des stations de télévision locales, le site d'informations Slate ou encore le câblo-opérateur Cable One.

Il y a deux mois, c'est Time Warner qui finalisait la scission de sa filiale de magazine Time Inc, propriétaire des titres Time, People, Fortune ou Sports Illustrated.

Le groupe américain Tribune, propriétaire du Los Angeles Times, du Chicago Tribune, du Baltimore Sun et de 5 autres grands quotidiens, a pour sa part terminé en début de semaine leur scission, afin de se concentrer lui aussi sur la radio et la télévision.