La France et le Canada: deux pays, deux univers télévisuels bien différents. Et l'accent n'y est pour rien, cette fois.

Alors que la télé gratuite vivote au Canada, elle fait l'envie de la télé payante en France. Deux chaînes payantes françaises menacent de fermer après s'être fait refuser la permission de passer à la télé gratuite. Une demande impensable au Canada, où la télé payante est reine du petit écran avec des profits annuels qui dépassent le milliard de dollars, et où les chaînes de télé généralistes ont demandé sans succès des redevances du câble pendant quatre ans avant que la Cour suprême ne mette fin au débat, en 2012.

Refus du CSA

De l'autre côté de l'Atlantique, trois chaînes françaises ont demandé de passer de la télé payante à la télé gratuite: la chaîne d'info continue LCI, la chaîne de divertissement Paris Première et la chaîne de documentaires Planète+. Le verdict est tombé la semaine dernière: c'est non, a tranché le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'équivalent en France du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Après ce revers, LCI, chaîne d'info continue de TF1 - et plus vieille chaîne d'info continue en France -, envisage de cesser ses activités à la fin de l'année. «En l'état du dossier, c'est probable», a dit Nonce Paolini, PDG de TF1. Le PDG de M6, groupe détenant Paris Première, a aussi parlé de fermeture en «dernier recours», mais il préfère voir auparavant s'il peut renégocier ses ententes avec les distributeurs ou intenter un recours contre le CSA.

Situation inverse au Canada

Au Canada, les chaînes gratuites généralistes ont perdu de l'argent en 2013 (2,3 millions de pertes avant impôts et intérêts ou 69,4 millions de pertes nettes, selon la méthode de calcul), tandis que les chaînes spécialisées et payantes ont généré des profits nets de 1,04 milliard de dollars (en incluant la télé à la carte), selon les chiffres du CRTC.

Mais le petit écran français n'est pas la télé canadienne. Au Canada, 86% des foyers sont abonnés au câble ou au satellite, et la télé généraliste gratuite ne comprend que sept chaînes nationales. En France, 57,9% des foyers ont les 25 chaînes gratuites de télé (la TNT, pour télévision numérique terrestre). La télé payante ne rejoint que 65,1% des foyers, dont 40,7% des foyers par l'entremise de l'internet.

Les 25 chaînes gratuites rendent aussi la télé payante française moins attrayante, ce qui se reflète dans les redevances négociées dans les ententes de distribution. C'est l'une des principales raisons ayant poussé LCI (pour La Chaîne Info), Paris Première et Planète+ à demander de passer à la télé gratuite. Elles perdront certes leurs redevances de la télé payante, mais elles estiment pouvoir faire davantage de profits avec la publicité générée par les cotes d'écoute additionnelles.

Or, c'est justement en raison du marché publicitaire incertain que le CSA a refusé la demande des trois chaînes payantes. Selon l'organisme réglementaire - qui avait permis l'arrivée de six nouvelles chaînes gratuites en 2012 -, «la situation financière de plusieurs chaînes gratuites est encore fragile» et on ne prévoit «aucune reprise significative du marché» publicitaire, qui a subi une «baisse marquée» de ses revenus.

Bref, même s'il y avait trois chaînes gratuites de plus sur la table, la tarte de cotes d'écoute et de revenus publicitaires ne serait pas plus grande. Motif supplémentaire de refus pour LCI: il y a déjà deux chaînes gratuites d'info continue.

La disparition de LCI semble néanmoins improbable, même si son propriétaire TF1 a réitéré, après la décision du CSA, son plan de fermer la chaîne d'info continue à la fin de l'année. Un indice? Les actionnaires du quotidien Le Monde ont déclaré publiquement leur intérêt pour la plus vieille chaîne d'info continue en France, qui a fêté son 20e anniversaire en juin. Au Canada, RDI fêtera son 20e anniversaire le 1er janvier prochain, mais personne ne parle de fermer la chaîne spécialisée, malgré les compressions à Radio-Canada. Une autre preuve de la différence entre le Canada et la France au petit écran.