Sans surprise, le ministre ontarien des Finances, Charles Sousa, a présenté lundi le même budget que le 1er mai qui avait servi d'amorce à la campagne électorale qui a permis aux libéraux de Kathleen Wynne d'obtenir un mandat majoritaire.

Ce budget, qui prévoit un déficit de 12,5 milliards de dollars cette année et un retour à l'équilibre en 2017-2018 seulement, a été fraîchement accueilli par les agences de notation de crédit. Moody's a même mis la note Aa2 de la province sous surveillance avec perspective négative en lui donnant l'avertissement suivant: ne pas parvenir à relever les défis fiscaux exercerait des pressions accrues sur le fardeau de la dette qui s'est alourdi au cours des dernières années.

Une décote placerait l'Ontario avec la pire note de crédit décernée par Moody's aux provinces canadiennes. Le crédit de six provinces, dont le Québec, est noté Aa2 par l'agence new-yorkaise. Seule la note de l'Ontario est sous surveillance.

Les notes décernées par Fitch Rating et Standard&Poor's sont aussi sous surveillance avec perspective négative. Dans ces deux cas, toutefois, la note ontarienne est plus élevée d'un cran que celle du Québec, que Fitch a aussi placée sous surveillance.

Le retour à l'équilibre budgétaire sera un parcours semé d'embûches. Ainsi, si Queen's Park prévoit une croissance de ses dépenses de programmes de 2,6% afin de dynamiser la croissance, il prévoit la ramener à 0,6% dès l'an prochain, puis à 0,1% seulement en 2016-2017. L'atteinte de l'équilibre suppose même une diminution de -0,7% en 2017-2018.

En comparaison, le plan budgétaire de Carlos Leitao a été qualifié d'austère par ses détracteurs avec une croissance des dépenses de programmes de 1,9% cette année et de 1,3, 1,7 et 2,0% pour les trois suivantes.

Il est vrai que les prévisionnistes sont un peu plus optimistes en ce qui concerne la croissance de l'Ontario que celle du Québec.

Ils sous-estiment peut-être les difficultés structurelles de la plus grosse province canadienne.

Ainsi, son secteur manufacturier, qui a souffert de la force du huard et de la concurrence chinoise tout comme celui du Québec, est plus vulnérable au mouvement de relocalisation en cours des fabricants des États-Unis.

Sa production d'électricité est lourdement tributaire de la filière nucléaire qui devra bientôt être rajeunie. Refaçonner un réacteur CANDU coûte une fortune. Voilà pourquoi Québec a choisi de fermer son unique réacteur, Gentilly-2. L'Ontario exploite 20 réacteurs.

Équiterre et l'Ontario Clean Air Alliance Research recommandent conjointement que le Québec vende davantage de ses surplus à son voisin. Ce seraient des profits de plus pour l'un et un prix de revient moindre pour l'autre.

L'Ontario mène aussi une campagne pour une réforme des transferts fédéraux en matière de santé et de péréquation, comme Québec. Le ministre Sousa consacre un chapitre entier de son plan budgétaire à ce sujet dans lequel il tente de démontrer que la province ne tire pas sa juste part.

Queen's Park jouit déjà de l'appui de la chambre de commerce de la province et de l'institut de recherche Mowat Centre.

Même si le Québec et l'Ontario sont à des années-lumière de s'entendre sur certains dossiers comme celui de la surveillance de l'industrie des valeurs mobilières, ils auraient intérêt à se coaliser pour mettre fin à ce qui paraît de plus en plus comme une nouvelle forme perfide de déséquilibre fiscal par laquelle Ottawa est sur le point d'engranger des surplus en abdiquant en partie ses responsabilités.