De plus en plus, la Chine devient le centre du monde. Les États-Unis, qui en seront avant longtemps détrônés, le comprennent fort bien. À preuve, la visite du secrétaire d'État américain John Kerry à Pékin, ces joursci, dans le cadre du Dialogue annuel États-UnisChine. Les entreprises américaines aussi comprennent qu'on ne peut plus que sous-traiter ou délocaliser certaines productions. Elles sont toujours plus nombreuses à accepter de négocier une partie de leurs transactions en renminbis, la monnaie chinoise.

Les échanges commerciaux réalisés en renminbis sont en progrès constant, tout comme les transactions de l'empire du Milieu avec le reste du monde. L'avantage? Les entreprises chinoises sont disposées à consentir des diminutions de prix allant jusqu'à 5%.

Or, selon un sondage international mené pour le compte de la Banque HSBC auprès de 1304 entreprises, les sociétés canadiennes (une centaine interrogées) sont le moins portées à avoir recours à la devise chinoise pour régler leurs opérations internationales.

Seulement 5% d'entre elles sont disposées à le faire, contre 17% des américaines. Cela paraît d'autant plus étonnant, aux yeux des analystes du sondage, que les trois quarts des entreprises canadiennes prévoient augmenter leurs échanges avec des entreprises chinoises au cours de la prochaine année ; une proportion bien plus élevée que celle du total de l'échantillon.

La Chine est devenue le deuxième partenaire commercial du Canada, loin derrière, il est vrai, les États-Unis. L e pr i nc ipa l obst a c le lorsqu'on fait affaire avec la devise chinoise est sa convertibilité. Mais cela change, à mesure que les Chinois multiplient leurs liens commerciaux avec des pays qui souhaitent ne pas devoir changer leur monnaie en dollars américains ou en euros pour traiter avec eux. Les échanges avec les autres pays de l'Asie du Sud-Est se sont élevés à plus de 400 milliards US en 2012. La barre des 500 milliards pourrait être dépassée dès cette année. L'an dernier, le renminbi a servi à concrétiser 18% des échanges internationaux de la Chine. En 2010, c'était à peine 3%, selon HSBC.

Selon le Fonds monétaire international, la rapide libéralisation en cours des mouvements de capitaux entre la Chine et le monde pourrait représenter 1350 milliards avant la fin de la décennie. Certaines banques centrales, comme celle d'Australie, ont déjà commencé à inclure une portion d'écus chinois dans leur escarcelle. L'épargne chinoise cherche à se diversifier à l'étranger, ce qui nourrit à son tour les besoins de libéralisation de la convertibilité du renminbi. Des entreprises étrangères viennent emprunter sur le marché chinois. La valeur des obligations libellées en renminbis, surnommées les dim sum (comme les emprunts étrangers libellés en dollars canadiens portent le sobriquet de maple), double chaque année depuis 2008.

Dans ce contexte, les entreprises canadiennes auraient avantage à s'enquérir de la possibilité d'utiliser le renminbi pour réaliser une partie de leurs échanges avec la Chine et des avantages qui en découlent, comme le font leurs concurrentes américaines et européennes.

L'attentisme dont les sociétés canadiennes font preuve ne surprend pas tant que ça, après tout. Il y a deux ans, le président de la Fondation Asie-Paci fique, Yuen Pau Woo, avait profité d'une tribune montréalaise pour faire ressortir à quel point les Québécois (et c'est vrai aussi de beaucoup de Canadiens) comprenaient mal les bouleversements commerciaux en cours. Un peu plus du quart d'entre nous concevait le Canada comme un pays du Pacifique, et bien moins encore montrait de l'intérêt pour les cultures asiatiques en général et chinoise en particulier.