Pour la première fois en deux décennies, les astres politiques sont alignés pour faire une percée importante dans l'abolition des barrières qui subsistent au commerce interprovincial, estime le ministre de l'Industrie, James Moore.

L'élection d'un gouvernement fédéraliste à Québec est le dernier morceau du casse-tête qui manquait pour relancer les négociations entre Ottawa et les provinces pour éliminer les entraves au commerce intérieur, a ajouté le ministre fédéral dans une entrevue accordée à La Presse.

On estime entre 40 milliards et 60 milliards de dollars les pertes économiques liées au protectionnisme interprovincial. Il existe plusieurs barrières au commerce intérieur, notamment sur le marché des contrats publics. Mais celle qui est la plus souvent citée en exemple touche le secteur des vins. Il est très difficile pour les producteurs de vin de la Colombie-Britannique de vendre leurs produits dans l'est du pays.

Ottawa veut remédier à ce problème. L'optimisme est tel dans la capitale fédérale que M. Moore a décidé de devancer la rencontre annuelle des ministres responsables de ce dossier, normalement en décembre, au mois d'août à Winnipeg, afin de battre le fer pendant qu'il est chaud.

La date de cette rencontre au sommet sera annoncée une fois que le ministre de l'Industrie de l'Ontario (où il y a eu des élections tout récemment) aura confirmé ses disponibilités, a assuré le ministre. Le ministre Moore veut notamment discuter de l'adoption d'un mécanisme de règlement des différends qui pourraient survenir entre diverses provinces.

«Il est important de continuer de faire des progrès afin de favoriser la croissance de notre économie et de la rendre plus productive d'est en ouest du Canada», a affirmé le jeune ministre originaire de la Colombie-Britannique.

«Quand Christian Paradis était ministre de l'Industrie, c'était franchement difficile parce qu'on avait un gouvernement du NPD en Nouvelle-Écosse. Il y avait la possibilité d'un gouvernement du NPD en Colombie-Britannique. Et il y avait un gouvernement du Parti québécois à Québec et il était impossible d'engager des discussions sur ce dossier. Mais maintenant, nous avons une dynamique au pays où il y a un seul gouvernement du NPD, au Manitoba, et il partage nos objectifs», a-t-il ajouté.

M. Moore a rencontré son homologue québécois Jacques Daoust il y a environ un mois à Montréal. Au terme de cette rencontre, M. Moore s'est dit plus convaincu que jamais qu'il devait profiter de la nouvelle dynamique politique pour conclure une entente qui profitera à toutes les régions du pays.

«[M. Daoust] dit que c'est un dossier important et qui est sur le radar de Québec. Une nouvelle entente va lui permettre de démontrer aux Québécois que l'avenir du Québec est au sein d'un Canada uni et fort où on peut avoir des occasions dans chaque région du pays pour nos produits et nos services. C'est la première fois que j'entendais un tel discours [de Québec]. Quand il a dit cela, je lui ai dit que je suis prêt à faire avancer le dossier», a-t-il expliqué.

«Nous sommes maintenant dans une situation où on peut arriver avec une entente modernisée pour tenir compte de la réalité de notre siècle. Il y a un nouvel esprit grâce aux électeurs de Québec qui ont décidé d'élire un gouvernement fédéraliste à Québec», a-t-il dit.

M. Moore a entrepris une mini-tournée des capitales provinciales afin de faire la promotion de l'abolition des barrières au commerce interprovincial. Selon le ministre, il est inconcevable que le Canada continue de signer des accords de libre-échange avec des pays étrangers tout en maintenant des barrières au commerce interprovincial.

Le Canada a conclu des ententes de libre-échange avec 43 pays, dont une avec l'Union européenne et une autre avec la Corée du Sud au cours des 12 derniers mois. Des pourparlers sont en cours avec l'Inde et le Japon et le Canada tente d'intégrer le Partenariat transpacifique.

«L'entente qui existe aujourd'hui a été rédigée en 1993 et 1994 et elle a été mise en oeuvre en 1995. Alors, cela fait presque 20 ans de cela. Cela a été fait dans le contexte où n'y avait que deux ententes de libre-échange du Canada sur la scène internationale, avec les États-Unis et le Mexique. Nous avons aujourd'hui des ententes avec 43 pays. Nous sommes maintenant dans une situation où les entreprises étrangères ont accès à notre économie plus librement que les entreprises canadiennes. Ce n'est pas une situation qui peut continuer», a soutenu M. Moore.

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Un remède à la collusion?

L'abolition des barrières au commerce interprovincial pourrait-elle être le remède à la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction au Québec?

Alors que la commission Charbonneau se penche sur ce problème au Québec depuis maintenant deux ans, mettre fin aux politiques protectionnistes dans l'octroi des marchés publics est une idée qui a été avancée par certains comme moyen de lutter contre la collusion.

Interrogé à ce sujet, le ministre Moore s'est montré prudent, mais il a affirmé que «c'est probablement un argument qui a du mérite». Chose certaine, le ministre estime qu'une plus grande compétition entre les entreprises canadiennes ne peut que favoriser les consommateurs et les contribuables.

«Il faut une division des pouvoirs entre Ottawa et les provinces, oui, mais il faut aussi avoir une saine compétition entre les provinces. Mais les Canadiens devraient être contre l'idée d'avoir des barrières et des préjugés défavorables contre les entreprises canadiennes. C'est ridicule et c'est du régionalisme à son pire. On est capable de faire mieux cela», a-t-il affirmé.

Depuis son entrée en politique, en 1997, et particulièrement depuis son entrée au cabinet, en 2008, James Moore a acquis la réputation d'être un homme qui atteint ses objectifs.

Ce dossier est d'ailleurs sa priorité. «C'est ma priorité absolue. [...] Je veux que le débat aboutisse, que la division entre les provinces cesse et qu'on cherche des solutions pour améliorer notre économie.»

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40%

Proportion des échanges commerciaux du Canada qui sont effectués à l'intérieur du pays.

35,1 milliards

Valeur des biens vendus par le Québec au reste du Canada en 2010 (données les plus récentes).

26,5 milliards

Valeur des biens importés par le Québec du reste du Canada en 2010.

21,9 milliards

Valeur des biens vendus par le Québec à l'Ontario. Le Québec a acheté 15,3 milliards en produits de sa province voisine. L'Ontario est la province avec laquelle le Québec brasse le plus d'affaires.

Source: Institut de la statistique du Québec