Le dirigeant d'une PME ruiné par le fisc s'attaque à la rémunération des agents de Revenu Québec à l'aide d'une procédure inusitée.

Jean-Yves Archambault déposera aujourd'hui à la Cour supérieure une requête en jugement déclaratoire visant à faire interdire les bonis et autres récompenses versés aux agents du fisc et reliés à leurs objectifs de récupération auprès des contribuables.

«Ça risque d'être une petite bombe!», lance son avocate, Caroline Desrosiers, spécialiste des litiges fiscaux.

M. Archambault était président du Groupe Enico, une entreprise florissante dans un secteur de pointe qui s'est écroulée lorsque Revenu Québec a entrepris une vérification fiscale, à la suite d'une dénonciation de la part d'un concurrent.

«Je me suis fait voler ma vie. J'ai tout perdu: ma famille et tout ce que j'avais. Je n'ai plus qu'un seul but: faire changer les choses», explique M. Archambault qui se bat depuis huit ans contre Revenu Québec.

En 2013, il a remporté une manche importante. La Cour supérieure a déterminé que Revenu Québec avait eu des «agissements malveillants et abusifs» et a condamné le fisc à lui verser plus de 4 millions de dollars en dommages et intérêts. Mais Revenu Québec a porté en appel le jugement dont il réfute les conclusions.

Beaucoup de pression

La Cour a confirmé que les employés du fisc ont beaucoup de pression pour émettre des avis de cotisation. Chaque service, chaque agent a des quotas de récupération à atteindre. S'il atteint sa cible, l'agent peut grimper d'échelon, ce qui augmentera son salaire de 1000 à 1200$. L'agent peut aussi obtenir un boni pour rendement exceptionnel qui peut représenter 3,5% de son revenu.

«Si on récompense un fonctionnaire pour les montants qu'il récupère, on l'incite à en récupérer plus, au risque que cela ne biaise son jugement lors de son travail de vérification. Son intérêt est évident», s'était inquiété le juge.

C'est là-dessus que M. Archambault revient à la charge. Dans sa nouvelle requête, il allègue que les bonis placent les vérificateurs en conflits d'intérêts, ce qui va à l'encontre de leur code d'éthique.

Le code de déontologie de Revenu Québec stipule que les employés doivent «éviter de se placer dans une situation pouvant jeter un doute raisonnable sur leur capacité à s'acquitter de leurs devoirs avec loyauté et impartialité».

Selon M. Archambault, les bonis font en sorte que les vérificateurs ont un intérêt personnel et direct à gonfler les cotisations émises, ce qui leur procurera une récompense monétaire et de l'avancement.

«L'impact de cette non-impartialité est très grave pour les entrepreneurs en ce moment. Des Jean-Yves Archambault, il y en a des dizaines au Québec. Des gens qui avaient de belles entreprises, qui créaient des emplois. Et du jour au lendemain, c'est fini. C'est de la richesse perdue pour le Québec», déplore Me Desrosiers.

Le fisc nie

De son côté, le fisc nie catégoriquement l'information contenue dans la requête. «Il n'existe aucune forme de quotas ou de bonis à Revenu Québec axés sur les sommes récupérées par nos vérificateurs», a martelé Stéphane Dion, chef des relations publiques et porte-parole de Revenu Québec.

«Tout cela est complètement faux, dit-il. On compte bien en faire la démonstration lors du processus d'appel.»