Quand, il y a un peu plus d'un an, des administrateurs d'AEterna Zentaris (T.AEZ) lui ont demandé de jeter un coup d'oeil sur l'entreprise, David Dodd a entrevu beaucoup de potentiel.

«J'avais de nouvelles idées pour faire avancer l'entreprise, se rappelle M. Dodd, un Américain qui compte plus de 35 ans d'expérience dans la haute direction d'entreprises du secteur pharmaceutique et des biotechnologies. Mais je ne voulais pas seulement jouer un rôle d'administrateur ou de consultant.»

Le conseil d'administration d'AEterna Zentaris n'a pas hésité longtemps et a annoncé la nomination de M. Dodd comme président et chef de la direction de la biotech de Québec en avril 2013.

M. Dodd a immédiatement commencé à mettre ses idées en oeuvre.

«Ce n'est pas vraiment un changement de stratégie, c'est davantage une expansion du modèle d'affaires», explique M. Dodd en entrevue avec La Presse Affaires.

À la recherche de véritables revenus

Auparavant, l'entreprise se concentrait sur la recherche et le développement de nouveaux médicaments. La commercialisation, une étape lointaine, aurait probablement été confiée en partenariat à un tiers. Après 11 ans de ce régime, la société n'a toujours pas de revenus.

«Vous levez des fonds, vous dépensez, énumère M. Dodd. Avec de la chance, vous faites connaître les bénéfices de la dernière collecte de fonds et vous levez encore plus de fonds. Vous faites cela continuellement. Si vous avez des échecs en chemin, comme en a eu AEterna Zentaris, certaines personnes deviennent moins positives.»

M. Dodd veut qu'AEterna Zentaris commence rapidement à récolter de véritables revenus. Tout d'abord, en mettant l'accent sur les deux produits les plus avancés, le macrilen et la zoptaréline doxorubicine. Puis, en faisant l'acquisition ou en obtenant la licence de produits déjà sur le marché qui ne sont pas stratégiques pour d'autres entreprises.

L'endocrinologie et l'oncologie

«L'idée a déjà été mise en oeuvre, et je l'ai déjà mise en oeuvre moi-même, reconnaît M. Dodd. Ce n'est pas unique et brillant, mais ça marche.»

L'équipe mise en place par M. Dodd recherche donc un tel produit, si possible dans les deux domaines thérapeutiques privilégiés par AEterna Zentaris, soit l'endocrinologie et l'oncologie, mais pas nécessairement.

«Pour nous, il est plus important d'agir et de générer rapidement des revenus que de trouver le produit idéal qui corresponde parfaitement à notre portefeuille de produits», déclare-t-il.

AEterna Zentaris cherche surtout des médicaments qui sont prescrits par un nombre relativement peu élevé de médecins. C'est ainsi que seulement 2500 endocrinologues pourraient prescrire le macrilen, le médicament le plus avancé d'AEterna Zentaris, qui sert à évaluer la déficience en hormone de croissance chez l'adulte.

«Ça prend seulement 20 représentants des ventes pour couvrir ce marché, souligne M. Dodd. Ce serait difficile d'avoir assez de représentants pour tenter de séduire, par exemple, les dizaines de milliers de médecins qui prescrivent des médicaments de base comme ceux qui visent à faire baisser le cholestérol.»

Ce qui est important, c'est que le premier produit que commercialisera AEterna Zentaris soit un succès.

«Ça aide l'entreprise, lance-t-il. Et il n'y a rien qui motive davantage les gens à l'interne.»

Deux espoirs

Tout en consacrant beaucoup d'énergie à cette recherche, AEterna Zentaris ne ménage pas ses efforts pour pousser ses deux propres produits, le macrilen et la zoptaréline doxorubine.

La Federal Drug Administration (FDA) des États-Unis a accepté de réviser la demande de nouveau médicament d'AEterna Zentaris pour le macrilen. Il s'agit d'une étape extrêmement importante qui pourrait déboucher sur une autorisation en novembre prochain.

«C'est très excitant, s'enthousiasme M. Dodd. Pour une société biopharmaceutique, ça arrive juste une fois d'avoir un premier médicament approuvé. Nous sommes tout près.»

AEterna Zentaris a également multiplié les efforts pour recruter des patients pour l'étude de phase III de la zoptaréline doxorubicine, une molécule hybride qui ciblerait spécifiquement les tumeurs du cancer de l'endomètre.

La société a déjà recruté 100 des 500 patientes qui participeront à l'étude.

Elle a également terminé une ronde de financement qui lui permettra de mener à bien ces deux projets.

«Tout cela va permettre d'accroître la crédibilité de l'entreprise», soutient M. Dodd.

Les forces

> Pas de dettes

> Un médicament au stade de la révision à la FDA

Les faiblesses

> Une histoire parsemée d'échecs

> Pas encore de véritables revenus d'exploitation

David Dodd s'est taillé une réputation dans la revalorisation d'entreprises biopharmaceutiques.

Il a notamment dirigé Serologicals Corporations, qui valait 85 millions US en juin 2000 et qui a été vendue pour 1,5 milliard US en juillet 2006.

Il a également travaillé à la haute direction de sociétés comme Wyeth-Ayerst Laboratories, Mead Johonson Laboratories et Abbott Laboratories.

(exercice terminé le 31 décembre 2013)

> Revenus: 6,2 millions

> Perte d'exploitation: 27,5 millions

> Bénéfice net: 6,8 millions

> Actif: 59,2 millions

> Capitalisation boursière: 76,3 millions

> Rendement: - 87,4% en 3 ans

> Effectifs: Environ 70 à Francfort, 10 à Québec et 5 au New Jersey

> Principaux actionnaires: Iglobe Capital (3,2%, Idaho), Renaissance Technologies (1,6%, New York)

Cela fait plusieurs fois qu'AEterna Zentaris revoit son plan de match.

Le chercheur Éric Dupont avait fondé les Laboratoires AEterna en 1991 pour mettre au point un traitement contre le cancer, le Neovastat, basé sur une nouvelle approche.

En 2002, l'entreprise avait acquis une société biopharmaceutique de Francfort, Zentaris, ce qui lui donnait accès à d'autres médicaments. AEterna comptait alors 140 employés à Québec et une centaine en Allemagne.

Les études cliniques sur le Neovastat ont toutefois été décevantes et l'entreprise a procédé à d'importants licenciements, surtout à Québec.

Après avoir mis fin à ses activités de recherche à Québec, Les Laboratoires AEterna a opté pour une nouvelle identité en 2004, AEterna Zentaris, et a mis l'accent sur des produits émanant des laboratoires de Francfort, la perifosine et le cetrorelix.

En 2005, la direction a fait savoir qu'elle entendait acquérir des produits à des stades avancés pour élargir son portefeuille.

AEterna n'a pas vraiment implanté cette stratégie et elle a connu des échecs en étude clinique pour le cetrorelix en 2009 et la perifosine en 2012.