En principe, les assemblées annuelles sont l'occasion pour les actionnaires, petits et grands, de se prononcer sur le choix des administrateurs et des vérificateurs comptables d'une entreprise. Le hic, c'est que les investisseurs votent peu. Et quand ils le font, ils n'ont aucune assurance que leur vote est bel et bien compté!

L'an dernier, à peine 7% des actionnaires ont voté en vue des assemblées annuelles, a calculé Computershare en se basant sur les quelque 1900 réunions pour lesquelles la firme a agi comme scrutateur. La quasi-totalité des cartes de vote par procuration, pour ceux qui les reçoivent par la poste, a donc abouti dans le bac de recyclage.

Mais il y a pire. Le système de compilation est tellement bancal que les actionnaires n'ont actuellement aucune garantie que leurs votes par procuration se rendent à bon port.

En janvier, dans le cadre d'un événement organisé par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, David Masse, conseiller juridique principal chez CGI, a raconté qu'un investisseur institutionnel s'est rendu compte que les votes associés à ses 14 millions d'actions de l'entreprise montréalaise n'avaient pas été comptabilisés, et ce, après la tenue de l'assemblée!

«Très troublant»

«Si vous entendiez cela d'un petit investisseur, vous diriez: Vous savez, à quoi vous attendez-vous? C'est un particulier, ça ne compte pas pour beaucoup. Mais quand ça vient d'une institution très en vue qui détient une participation importante, c'est très troublant, très inquiétant», a déclaré M. Masse.

Computershare estime que pas moins de 57% des assemblées annuelles qu'elle a supervisées en 2013 ont connu des problèmes de compilation des votes. Dans certains cas, des votes sont comptabilisés deux fois pour une même action, de sorte que le total des votes dépasse parfois le nombre d'actions d'une entreprise! L'Association canadienne du commerce des valeurs mobilières assure qu'il s'agit de «cas isolés» et que le système actuel «fonctionne bien».

Le problème existe pourtant dans d'autres pays, notamment aux États-Unis et en Europe. L'an dernier, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont tenu une consultation sur la question. Dans un mémoire, la Caisse de dépôt et placement du Québec et les six autres principaux fonds de retraite du pays ont soutenu que la crise de confiance à l'égard du système pourrait «nuire» au développement de la démocratie actionnariale et à l'amélioration de la gouvernance des entreprises.

Les causes du problème sont multiples: présence de nombreux intermédiaires, prêt d'actions, incohérences entre les registres canadiens et américains d'actionnaires, etc.

Pour y remédier, les caisses de retraite pressent les ACVM de procéder à un audit approfondi du système. À l'instar d'autres investisseurs, ils proposent de permettre aux actionnaires d'obtenir une confirmation que leurs votes ont bien été comptabilisés. De son côté, Bombardier suggère qu'on s'inspire du système de gestion des dividendes, qui est beaucoup plus fiable.

Il faudra voir si les ACVM décideront ou non d'intervenir dans ce dossier épineux.