En pleine fièvre des fusions dans la pharmacie, le géant américain Pfizer (PFE) veut mettre la main sur son concurrent britannique AstraZeneca (AZN) qui a une nouvelle fois repoussé ses avances en dépit des près de 100 milliards de dollars US mis dans la balance.

Après des jours de spéculations, le numéro un mondial a confirmé noir sur blanc lundi matin qu'il voulait racheter le britannique et l'avait approché de nouveau samedi après le rejet d'une première offre en janvier.

Si une offre de Pfizer à près de 100 milliards de dollars se concrétisait, elle serait la plus grosse fusion jamais réalisée dans le secteur.

Conformément au code boursier britannique, le géant américain devra indiquer au plus tard le 26 mai à 17h00 heure de Londres s'il compte faire une offre formelle.

Dans son communiqué, le géant américain indique avoir soumis le 5 janvier une offre indicative au conseil d'administration d'AstraZeneca à 46,61 livres (78,53$ US) par action, soit un montant d'environ 58,8 milliards de livres (99,1 milliards de dollars US).

L'offre «sous-évaluait significativement AstraZeneca», a répondu dans un communiqué le britannique.

Revenant à la charge samedi, Pfizer s'est de nouveau heurté à des réticences: AstraZeneca, prié d'annoncer l'ouverture de négociations dans un communiqué commun, a au contraire jugé «pas approprié» d'entamer de nouvelles discussions en l'absence d'offre «spécifique et attractive», et a réaffirmé sa confiance dans sa stratégie de «groupe indépendant».

Cela n'a pas refroidi le marché: le titre AstraZeneca a clôturé en hausse de 14,38% à 4666,5 pence à la Bourse de Londres tandis qu'à New York, Pfizer prenait 3,40% à 31,80 dollars vers 11h45.

Le patron d'AstraZeneca, le Français Pascal Soriot, avait déjà clairement affiché jeudi sa perplexité face aux «grandes fusions-acquisitions (...) souvent très perturbantes».

Pour Joshua Raymond, de City Index, la «motivation» de Pfizer, qui est dans une démarche «hostile», est de «tenter de créer des frictions» au sein d'AstraZeneca afin de forcer le groupe à négocier.

Intérêt fiscal

«Nous sommes en train de reconsidérer nos options», a indiqué lundi à des analystes le PDG de Pfizer, Ian Read, en détaillant les intérêts stratégiques mais aussi fiscaux de l'opération.

AstraZeneca a «une excellente complémentarité stratégique» avec Pfizer», a-t-il assuré, martelant que l'opération «créerait une entreprise plus solide, avec un portefeuille (de médicaments) plus attractif dans des domaines clés et une recherche scientifique améliorée». Elle dégagerait en outre davantage de liquidités pour «optimiser le portefeuille et reverser du capital aux actionnaires».

Pfizer, confronté à une perte des brevets sur des produits vedettes comme l'anticholestérol Lipitor, se renforcerait notamment dans le créneau à fort potentiel de l'immuno-oncologie, où AstraZeneca a effectué des percées. Il lorgne également le médicament pour le coeur Brilinta et des traitements du diabète ou des maladies respiratoires.

Selon certains observateurs, la volonté de l'américain d'utiliser d'énormes liquidités engrangées à l'étranger, qu'il ne veut pas rapatrier aux États-Unis pour des raisons fiscales, semble être la raison première de son intérêt pour une cible restant fragile et handicapée elle aussi par des pertes de brevets.

La banque Jefferies souligne par exemple qu'AstraZeneca a «des capacités bien moins démontrées dans l'immuno-oncologie que Bristol-Myers», autre cible potentielle pour Pfizer. Pour elle, le groupe américain est «fortement motivé par des synergies financières».

Pfizer dit vouloir payer la transaction avec une combinaison d'actions et de numéraires et constituer une nouvelle société holding dont le domicile fiscal serait britannique.

Le directeur financier, Frank D'Amelio, a reconnu que Pfizer devrait utiliser une partie de ses liquidités à l'étranger pour l'opération et avoir par la suite «un taux d'imposition plus bas».

M. Read affirme ne voir «aucun conflit d'intérêts avec le gouvernement américain», avec lequel il toutefois dit n'avoir pas encore parlé, soulignant que l'entreprise conserverait son siège social et sa cotation boursière aux États-Unis.

Les visées de Pfizer sur AstraZeneca interviennent dans une période de grandes manoeuvres dans le secteur. Selon le cabinet d'études Dealogic, le total des transactions y est au plus haut depuis cinq ans avec 144 milliards de dollars depuis le début d'année.