Une fusion entre la société pharmaceutique lavalloise Valeant (T.VRX) et le fabricant du Botox, Allergan (AGN), entraînerait un vaste programme de rationalisation.

Valeant vise des économies de synergie d'au moins 2,7 milliards US. Elle estime pouvoir réaliser 80% de ces économies dans les six mois qui suivront la clôture de la transaction.

Les deux tiers de cette somme, soit 1,8 milliard US, proviendraient de la réduction des dépenses liées aux ventes et à l'administration, a fait savoir le vice-président directeur de Valeant, le Dr Ari Kellen, au cours d'une conférence tenue à New York hier et diffusée sur le site internet de l'entreprise.

Cette initiative comprendrait la rationalisation des sièges sociaux des deux entreprises et l'élimination des sièges régionaux. Le siège de Valeant est situé à Laval, mais l'entreprise possède également un siège social américain au New Jersey, où travaillent le président de l'entreprise, Michael Pearson, et plusieurs hauts dirigeants.

Une porte-parole de l'entreprise, Renee Soto, a toutefois assuré dans un courriel hier que le siège demeurera à Laval et qu'il ne subira pas d'impact négatif de cette transaction.

Valeant a quitté l'Ontario en 2012 pour installer son siège social à Laval, notamment pour bénéficier d'une aide de 6 millions du gouvernement Charest.

Le siège social d'Allergan se trouve à Irvine, en Californie, mais l'entreprise a un siège social canadien à Markham, en Ontario, où elle emploie environ 170 personnes.

Selon le Dr Kellen, Valeant décentralisera l'organisation en éliminant des postes ayant une fonction globale. L'entreprise entend également réduire les dédoublements dans les dépenses externes.

Valeant entend réaliser des économies supplémentaires de 900 millions de dollars américains en rationalisant les infrastructures de recherche et développement des deux entreprises. Valeant devrait essentiellement sabrer le budget de recherche et développement d'Allergan pour appliquer son propre modèle: il s'agit de cibler les projets à risques peu élevés, comme de nouvelles applications pour des produits existants, et de poursuivre des projets qui sont à un stade avancé.

Ce sont notamment ces synergies qui ont amené le militant américain William Ackman, président de Pershing Square Capital Management, à s'impliquer dans la transaction.

«En 20 ans de carrière, je n'ai jamais vu une transaction aussi synergétique, a-t-il affirmé au cours de la conférence hier. Je voulais en faire partie.»

Valeant et Allergan sont actives dans les mêmes secteurs, notamment les produits ophtalmiques et dermatologiques. Valeant a récemment fait l'acquisition de Bausch&Lomb, un fabricant reconnu de produits ophtalmiques, pour 8,7 milliards de dollars américains.

Valeant a voulu entreprendre des discussions avec Allergan au sujet d'une éventuelle transaction, mais la direction d'Allergan ne s'est pas montrée coopérative. Valeant a alors décidé de faire une offre d'achat hostile en s'adressant directement aux actionnaires d'Allergan: elle leur a offert 48,30$US et 0,83 action de Valeant pour chaque action d'Allergan. En se basant sur les cours de clôture de lundi, il s'agirait d'une transaction de 45,7 milliards.

Valeant a un atout dans sa manche. Pershing Square a rapidement augmenté sa participation dans Allergan et est maintenant son actionnaire le plus important, avec une participation de 9,7%. Pershing est évidemment pour la transaction.

M. Pearson a soutenu que Valeant se montrerait «flexible au sujet des questions sociales», comme l'emplacement du siège social américain, le nom de l'entreprise et les membres du conseil d'administration.

Moody's a relevé la perspective rattachée à la cote de crédit de Valeant, qu'elle a fait passer de «négative» à «en développement».

La firme estime que Valeant pourra améliorer sa situation si elle parvient à acquérir Allergan, parce qu'elle aura alors une position de tête dans les produits ophtalmiques et dermatologiques, qu'elle aura des flux de trésorerie substantiels et qu'elle pourra réduit son ratio d'endettement. Actuellement, la dette de Valeant représente quatre fois son bénéfice d'exploitation.

David Krempa, de la firme d'analystes Morningstar, a affirmé que, parmi tous les candidats potentiels à une fusion, c'est Allergan qui correspondait le mieux aux besoins de Valeant.

Allergan a pris acte de l'offre hostile de Valeant mais n'a pas voulu faire de commentaires.

Le marché, lui, a apprécié. L'action d'Allergan a bondi de 15,25% pour clôturer à 163,65$ US à la Bourse de New York. Pour sa part, le titre de Valeant a clôturé à 149,38$ à la Bourse de Toronto, une hausse de 7,65%.

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Pershing Square au Canada

Ce n'est pas la première fois que Pershing Square s'intéresse au Canada. William Ackman a réalisé un coup particulièrement fumant en forçant le Canadien Pacifique à se débarrasser de son président et chef de la direction, Fred Green, pour le remplacer par l'ancien grand patron du Canadien National, Hunter Harrison. Depuis la nomination de M. Harrison à la tête du CP en juin 2012, le titre de l'entreprise a augmenté de 131%.

En 2006, grâce à sa participation de 9,9% dans Wendy's, Pershing Square a forcé la chaîne de restauration rapide à se défaire de Tim Hortons. Depuis son entrée en Bourse, en mars 2006, la chaîne de détaillants de beignes a vu son titre augmenter de 77%.

En 2006 également, Pershing Square s'est opposé à ce que Sears Holding Corp ferme le capital de Sears Canada. Sears Holdings avait offert 17,97$ pour chaque action de Sears Canada. Le combat a duré jusqu'en 2010, jusqu'à ce que Sears Holding accepte d'acquérir pour 30$ chacune les actions de Sears Canada détenues par Pershing Square.