Alors que des promoteurs des bitcoins ouvraient hier à Montréal un soi-disant «guichet» pour cette monnaie virtuelle, l'Autorité des marchés financiers (AMF) s'est empressée de lancer une alerte contre le risque de fraude et de perte avec ce type de transactions.

> L'analyse de Desjardins sur les monnaies virtuelles (PDF)

La mise en garde de l'AMF survient quelques semaines après la publication par les économistes du Mouvement Desjardins d'une analyse très critique envers les «limites des monnaies de type bitcoin».

Dans cette étude, Desjardins soulignait le risque élevé de spéculation et d'usage frauduleux de ces monnaies virtuelles, en l'absence de toute supervision réglementaire.

Dans son alerte émise hier, l'AMF invite les Québécois à la «prudence suivant l'ouverture d'un premier guichet et l'introduction de monnaies virtuelles, incluant bitcoin dans certains commerces au Québec».

L'AMF souligne notamment que «les transactions impliquant la monnaie virtuelle, aussi appelée cryptomonnaie, ne sont pas couvertes par le Fonds d'indemnisation des services financiers ni par le Fonds d'assurance-dépôts».

Aussi, les monnaies virtuelles comme les bitcoins sont exclues de la juridiction de la Société d'assurance-dépôts du Canada, qui protège les dépôts bancaires jusqu'à concurrence de 100 000$ par déposant.

Dans son alerte, l'AMF souligne que divers régulateurs financiers et des banques centrales ont «récemment mis en garde les consommateurs sur les risques de fraude associés à la monnaie virtuelle, notamment la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis et la Banque de France».

Selon ces autorités financières, relate l'AMF, «l'anonymat des transactions en monnaie virtuelle et leur relatif faible coût pourraient entraîner des fraudeurs à mettre en oeuvre des stratagèmes, notamment des combines à la Ponzi, pour attirer les investisseurs».

Toujours selon l'AMF, «la monnaie virtuelle étant alors employée pour faciliter la fraude ou simplement fabriquer de faux investissements. Ce type de fraude implique généralement des placements et des plateformes d'investissement en ligne non autorisés par les autorités».

Spéculation

Le risque élevé de spéculation potentiellement frauduleuse entourant les monnaies virtuelles comme les bitcoins s'est d'ailleurs illustré de belle façon il y a quelques semaines.

Après avoir bondi à plus de 1100$US l'unité à la mi-décembre, la valeur virtuelle attribuée aux bitcoins s'était ensuite effondrée de moitié en deux jours seulement.

Depuis, cette valeur s'est redressée autour des 800$US, mais non sans un parcours très volatil, au gré des alertes et des enquêtes annoncées par diverses instances réglementaires.

Pour François Dupuis, vice-président et économiste en chef au Mouvement Desjardins, qui a supervisé l'étude sur les monnaies virtuelles, «les bitcoins sont devenus l'équivalent d'un casino monétaire, hors de tout contrôle réglementaire. Les bitcoins sont aussi devenus une monnaie de choix pour régler des transactions illégales et faire de l'évasion fiscale».

Dans leur étude publiée fin novembre, les économistes de Desjardins estimaient aussi, à l'instar de l'AMF hier, que l'émergence des monnaies virtuelles comme les bitcoins pouvait s'apparenter à «un schéma de Ponzi».

C'est-à-dire un système commercial où seuls les premiers participants peuvent réaliser des gains substantiels. Leurs successeurs, eux, se retrouvent souvent avec des gains marginaux, sinon nuls, mais aussi de gros risques de perte en cas d'éclatement d'une bulle spéculative ou de fraude.

Selon François Dupuis, «les gens comprennent encore mal que toute monnaie, virtuelle ou réelle, repose surtout sur la confiance que l'on accorde aux autorités financières et réglementaires qui la supportent. Or, les bitcoins ont été créés comme une monnaie virtuelle, sans aucune supervision réglementaire. Pour leurs utilisateurs, il n'y a donc aucune possibilité de recours ou de compensation en cas de problèmes de transactions».