C'était jour de formation hier pour les 580 employés du bureau montréalais de la multinationale du logiciel SAP. Au programme: apprendre à travailler avec trois futurs nouveaux collègues recrutés en fonction d'un critère bien particulier. Les trois seront autistes.

SAP a officiellement lancé la période de mise en candidature pour le recrutement de trois nouveaux employés autistes dans le cadre d'un projet-pilote qui a d'abord été testé en Inde et en Irlande, avec succès. Le Canada, les États-Unis et l'Allemagne tentent maintenant le coup.

Le projet est mené conjointement avec Specialisterne, une entreprise propriété d'une fondation danoise dont l'objectif est de dénicher un million d'emplois pour des autistes dans le monde.

«C'est en discutant avec eux qu'on a découvert que les personnes atteintes d'autisme ont des désavantages, en particulier pour la communication et l'interprétation des signaux interpersonnels, mais que, souvent, elles ont une très forte capacité à se concentrer, à lire des messages détaillés dans un logiciel et trouver les erreurs», explique Stephen MacKay, directeur des ressources humaines chez SAP à Montréal.

«Pour nous, en logiciel, ce serait vraiment un atout.»

Effets secondaires bénéfiques

Apparemment, l'arrivée d'employés autistes n'est pas seulement bénéfique en raison de leurs performances.

«Ce qu'on a vu en Inde, c'est que les environnements de travail deviennent beaucoup moins compliqués. Les gens disent ce qu'ils veulent dire, sans insinuation», note M. MacKay.

Les personnes atteintes d'autisme, rappelle M. MacKay, nécessitent et choisissent un style de conversation très direct. «Par exemple, on ne va pas leur dire "Comment va ta journée?", on va simplement leur dire "Allô", sinon on pourrait avoir une réponse de 30 minutes.»

L'expérience a démontré à SAP que ce style avait tendance à faire contagion.

«Les équipes deviennent beaucoup plus honnêtes et beaucoup plus directes et efficaces. Ces personnes vont être du genre à dire à leur gestionnaire: "Bien, peut-être que t'as mal fait ça", parce qu'elles sont vraiment honnêtes et ne filtrent pas comme nous le ferions. C'est vraiment un avantage, ça nous permet d'améliorer nos talents plus vite.»

Nouveaux postes

Jusqu'à présent, les six employés autistes recrutés en Inde et les trois ajoutés en Irlande occupaient tous des postes d'ingénieur responsable des essais. Montréal ouvrira un autre front, puisque deux des trois postes affichés sont pour des développeurs de logiciels.

M. MacKay estime avoir déjà reçu environ de 20 à 25 CV provenant de candidats «très qualifiés». Il espère pouvoir mener les premières entrevues d'ici deux ou trois semaines.

Il bénéficiera pour cela de l'assistance de Specialisterne. L'entrevue elle-même peut être un immense défi pour une personne autiste. «Selon où ils se situent dans le spectre de l'autisme, certains ne sont pas capables de nous regarder dans les yeux», note M. MacKay.

Specialisterne s'assurera ensuite de former les employés choisis pendant une période de un ou deux mois pour apprendre à travailler en équipe et découvrir les rudiments de la méthode de gestion LEAN. SAP les embauchera officiellement à temps plein. «Les autistes ont souvent de la difficulté à obtenir des emplois à temps plein. Ils vont de contrat en contrat.»

L'objectif de SAP est que 1% de sa main-d'oeuvre de plus 65 000 employés soit constituée de personnes atteintes d'autisme, soit une proportion similaire à celle de la population générale. Le bureau de Vancouver a, quant à lui, ouvert six postes pour des personnes autistes.

Specialisterne a annoncé son implantation au Canada à la fin de l'été dernier.

SAP en bref

> Employés: 65 000, dont 2300 au Canada

> Présence: 130 pays

> Siège social: Allemagne

> Revenus: 25,5 milliards (2013)

> Spécialité: Logiciels de gestion pour entreprises