Désireux d'expliquer où se dirige la Banque du Canada, son gouverneur Stephen Poloz a tenu à réaffirmer hier la stricte neutralité de sa politique actuelle.

Devant un parterre de près de 500 personnes conviées par le Cercle canadien, le gouverneur a voulu dissuader les esprits qui croient que la Banque tendrait désormais davantage à vouloir abaisser son taux directeur en raison du faible taux d'inflation, sous la barre de la limite inférieure de la fourchette de 1 à 3% depuis quelques mois.

Dissertant sur la gestion des risques à partir d'une métaphore dépeignant la Banque comme un bateau, M. Poloz a expliqué qu'il est normal de regarder davantage du côté où il dévie, quand on vise à garder le cap, sans pour autant craindre d'échouer sur la côte.

«À ce stade-ci, le réajustement de l'orientation est plus un geste d'honnêteté qu'un penchant pour une baisse de taux, a-t-il précisé en conférence de presse. Nous pensons que les taux vont demeurer là où ils sont pour un bon moment. Dire qu'ils vont monter n'est pas approprié.»

Le taux cible de financement à un jour est fixé à 1% depuis septembre 2010 et devrait y rester jusque vers la fin de 2015 quand la croissance aura en principe retrouvé son plein potentiel.

Même si la Banque avait les mêmes vues à l'époque de son prédécesseur Mark Carney, elle persistait à faire allusion à la normalisation, au fil du temps, de son taux directeur, c'est-à-dire l'augmenter quelque peu.

Pas de risque de déflation

Le but poursuivi alors était de contenir l'endettement des ménages, perçu comme le principal risque interne à la croissance.

Selon M. Poloz, ce risque s'est quelque peu atténué tout comme il estime faible celui d'une baisse généralisée des prix, qu'on appelle déflation.

Le gouverneur n'écarte pas pour autant la possibilité d'un choc, sur le marché immobilier résidentiel, imprévisible par définition. Il préfère toutefois parler de vulnérabilité du marché. Il demeure confiant qu'il peut être contenu, grâce au resserrement des conditions d'octroi de prêts imposé par le ministère des Finances et par le Bureau du surintendant des institutions financières. On observe déjà un ralentissement de la croissance du crédit aux ménages.

Toute l'allocution du gouverneur, à haute teneur pédagogique, a été centrée sur la notion de risque: ceux à la baisse et à la hausse reliés à l'activité économique et à l'évolution de l'inflation et ceux reliés à la santé du système financier, toujours baissiers. Les deux familles de risques interagissent.

Leçon de la crise

M. Poloz est revenu sur la crise financière récente qui a laissé l'ensemble des économies avancées «dans un cratère». «La leçon la plus importante tirée de la crise est donc peut-être que la stabilité du système financier est cruciale pour maintenir l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible, et pour limiter le risque de tomber dans une trappe déflationniste.»

Il a d'ailleurs rappelé que la Banque a été créée durant la Grande Dépression. Sa cible «sacrée» d'inflation de 2% a été fixée en 1991 seulement.

Le gouverneur ne croit pas à une poussée soudaine de l'inflation quand les banques centrales mettront progressivement fin à leur détente monétaire exceptionnelle. Il ne craint pas non plus d'augmentation brutale des taux obligataires à long terme. C'est pourtant arrivé au printemps, après que la Réserve fédérale eut manifesté son intention de ralentir sa planche à billets.

«À court terme, l'effet de levier provoque des ajustements abrupts des marchés, mais, cette fois-ci, la hausse pourra refléter une amélioration effective de la croissance.»

M. Poloz a enfin décliné de préciser sa pensée sur la dépréciation présente du huard.