L'argent coule à flots sur les marchés financiers et les investisseurs en profitent pour rechercher à tout prix la rentabilité, au risque de provoquer des déséquilibres dans le système. Un scénario dont certains commencent à s'inquiéter.

«Dans un environnement de taux bas, les investisseurs cherchent partout une forme de rendement. Des bulles commencent à se développer dans différents secteurs de niche comme l'art, le vin, les terres agricoles ou les obligations d'entreprises mal notées», a expliqué à l'AFP Tim Adams, directeur de l'Institut de la finance internationale (IIF), qui défend les intérêts des banques.

En réponse à la crise financière de 2008, les banques centrales, notamment la Réserve fédérale américaine (Fed), ont abreuvé les marchés de liquidités, abaissant par ailleurs leur principal taux directeur à des planchers parfois historiques, afin de relancer la machine, grippée, de l'économie.

«Nous avons vécu un incendie majeur», éteint «avec beaucoup de liquidités», a estimé Bertrand Badré, directeur général finance de la Banque mondiale, lors d'une table ronde à l'Autorité française des marchés financiers (AMF). «La Réserve fédérale et d'autres continuent à arroser le marché, je pense qu'à un moment donné il faudra faire un état des lieux», a-t-il toutefois souligné.

Cette situation va jusqu'à inquiéter certains régulateurs boursiers, à l'image de Gérard Rameix, président de l'AMF, qui a souligné dans un entretien à l'AFP «un risque dont tout le monde s'accorde à dire qu'il est majeur: c'est l'abondance de liquidités».

«La Fed achète à peu près 85 milliards de dollars par mois de dette publique américaine... Or nous savons qu'un des facteurs de déclenchement de la crise des subprimes (prêts hypothécaires à haut risque) provient précisément de cet excès de liquidités», a-t-il soutenu.

Tous les types d'actifs

Avec cet argent pas cher et disponible, les investisseurs en quête de rendement se tournent vers tous les types d'actifs, faisant grimper le prix des actions et des obligations d'État, qui voient mécaniquement leur rendement baisser. Les dettes d'entreprises plutôt mal notées par les agences, habituellement moins prisées en raison du risque de problème de remboursement qu'elles présentent, mais au rendement très élevé, trouvent plus facilement preneur. Sans parler d'autres actifs plus folkloriques, comme les oeuvres d'art, le vin, ou même les bitcoins.

Déjà, en mai, le patron de la Fed Ben Bernanke s'était inquiété des risques que pouvait comporter, à terme, une politique monétaire aussi généreuse que celle qu'il menait.

La Fed avait d'ailleurs annoncé son intention de réduire son soutien à mesure que la reprise économique se ferait plus concrète.

Reconnaissant que cette politique de l'argent facile favorisait la montée des prix des actions à Wall Street, qui vole de record en record, le successeur de M. Bernanke, Janet Yellen, a toutefois exclu la formation d'une bulle financière devant le Congrès américain le 14 novembre.

«Les prix des actions ont fortement augmenté», avait-elle concédé, jugeant toutefois que leur niveau de valorisation n'était pas surestimé.

Dans le cas d'une bulle, le prix des actifs payé par l'investisseur est considéré comme surévalué, notamment au regard du risque encouru.

Selon Eric Turjeman, responsable adjoint des gestions actions chez Amundi, la question est avant tout de savoir si «oui ou non les bénéfices des entreprises que l'on anticipe» sont «trop optimistes» pour les années à venir.

«Si le marché double sans que les bénéfices en fassent de même, là je vous dirais qu'il y a une bulle», explique-t-il. Mais «aujourd'hui, ce n'est pas le cas», argue-t-il.

Une vision partagée par Olivier Gayno, directeur des investissements patrimoniaux chez HSBC Global Asset Management (France), qui estime qu'en raison d'une «inflation basse» notamment en Europe et aux États-Unis, le «risque de bulle» sur les marchés financiers n'est pas à l'ordre du jour.

«Sans liquidités, on serait encore en récession», juge de son côté Franz Wenzel, responsable de la stratégie d'investissement chez AXA IM.

«Toutes les banques centrales du monde ont une volonté de garder les taux bas», rappelle-t-il. Et pour le moment, «elles gardent la main», leur objectif étant avant tout de voir l'économie repartir durablement.

Mais «attention, cependant, aux mauvaises surprises en 2014», a prévenu vendredi sur son compte twitter le gérant de fonds Pimco, l'un des plus importants au monde, affirmant que «tous les marchés sont effervescents».