Qui a dit que l'économie était une science ennuyante, une discipline incompréhensible, à moins d'être un crack en mathématique ou, pis, un propagandiste néolibéral?

À ceux-là, le tandem formé de l'auteur Michael Goodwin et de l'illustrateur Dan E. Burr offre un démenti à la fois crédible et accessible, capable de séduire tant le néophyte que l'érudit de cette importante science sociale.

Dans Economix, La première histoire de l'économie en BD, le duo accompagne le lecteur depuis les premiers échanges marchands jusqu'aux tentatives de réparation des bris créés par la crise financière de la fin de la dernière décennie.

Un peu tout y passe: le mercantilisme de Colbert, la main invisible d'Adam Smith, le pessimisme de Malthus, les mathématiques de Samuelson, sans oublier Marx, Keynes, Galbraith et Friedman.

À l'aide d'exemples simples et d'illustrations éloquentes, Goodwin et Burr arrivent même à expliquer à leurs lecteurs des concepts comme l'avantage comparatif développé par David Ricardo, le laissez-faire de Friedrich Hayek ou le léninisme de vous savez qui.

De ce parcours historique, il ressort avant tout qu'aucune théorie, si séduisante soit-elle, ne parvient à expliquer complètement comment les humains produisent la richesse et la distribuent.

Les auteurs mettent par contre en évidence comment ceux et celles qui dominent la société s'organisent pour accaparer la part du lion, toutes idéologies confondues.

Il ressort néanmoins de l'ensemble que certains individus ont été plus clairvoyants et plus redistributeurs.

On comprendra que Franklin D. Roosevelt et sa nouvelle donne (New Deal) trouvent davantage grâce à leurs yeux que Ronald Reagan ou George W. Bush, par exemple.

L'influence des États-Unis

L'histoire économique des États-Unis aux XXe et XXIe siècles occupe une bonne part de l'ouvrage, au point où certains esprits chagrins pourront y voir une autre manifestation de l'ethnocentrisme américain.

C'est bouder son plaisir. D'une part, l'économie américaine est celle qui a largement dominé et influencé durant toute cette période. D'autre part, les courants importants en Europe (le fascisme) ou en Asie (le maoïsme) y sont évoqués et plutôt bien synthétisés.

On pourra évidemment reprocher certains raccourcis, comme la rupture entre le socialisme et le communisme au début de la Grande Guerre ou la politique monétaire de Paul Volcker.

En revanche, en quelques cases seulement, on nous explique les enjeux de la guerre de Sécession, du fordisme ou du sauvetage de Wall Street par la Réserve fédérale en 2008 et 2009.

Goodwin, que Burr représente comme un jeune homme qu'on pourrait associer à un geek, ne cache pas son parti pris pour la classe moyenne.

Son point de vue est farouchement opposé à Wall Street, dont les acteurs sont dessinés avec cigare ou chapeau melon, et les grandes sociétés, représentées par de menaçants robots.

Le jeu de portes tournantes entre Wall Street et Main Street est bien illustré par des individus comme J.P. Morgan ou Andrew Mellon.

Goodwin s'en prend aussi aux effets néfastes des baisses d'impôts, celles de George W. Bush en particulier, qui ont avant tout profité aux nantis et créé des déficits budgétaires structurels.

En plus des liens étroits entre les pouvoirs économiques et politiques, l'ouvrage met en lumière les conséquences de certaines décisions ou politiques dans d'autres sphères de la société comme la santé, l'éducation et surtout l'environnement.

L'ouvrage s'achève sur les difficultés du président Barack Obama à mettre en place sa réforme de l'assurance maladie ainsi que par un aperçu des expériences chinoise et indienne.

À la toute fin, Goodwin rappelle aux lecteurs qu'une fois compris les grands rouages de l'économie, il n'en tient qu'aux citoyens de les faire fonctionner de manière plus équitable.

Comme tout ouvrage sérieux, le livre contient un glossaire et un index des noms cités qui en facilitent la consultation en tout temps.

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Economix, La première histoire de l'économie en BD. Texte de Michael Goodwin, illustrations de Dan E. Burr, Les Arènes, 304 pages.