Le gouvernement Harper poursuit sur sa lancée, après la fusion de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et l'implication de sociétés minières dans les projets d'aide étrangère. Le nouveau concept: la «diplomatie économique», présentée hier dans le dernier plan d'action fédéral sur le commerce mondial. Ottawa veut que les diplomates troquent leur «veste de tweed» pour un complet d'homme d'affaires, et qu'ils considèrent maintenant les intérêts des entreprises canadiennes comme une priorité, tant en matière de développement que de relations internationales. «Tous les actifs diplomatiques du gouvernement du Canada seront conscrits au profit du secteur privé afin d'atteindre les objectifs établis dans les marchés clés à l'étranger», dit le nouveau plan d'action. Cinq questions au ministre fédéral du Commerce international, Ed Fast.

Q Pouvez-vous expliquer le concept de «diplomatie économique» ?

R Pendant trop longtemps, il y a eu peu d'efforts de la part du Canada pour utiliser ses outils diplomatiques afin de faire la promotion de ses intérêts économiques. La plupart du temps, nous nous concentrons sur nos objectifs de développement et de relations internationales. Et le commerce international a joué un rôle plutôt insignifiant. Nous croyons qu'il est temps de changer cela et d'inclure la diplomatie économique comme un objectif clé de notre politique étrangère globale.

Q Est-ce une prise de contrôle du ministère des Affaires étrangères par la section du Commerce international?

R Pas du tout. Ce n'est d'aucune manière une prise de contrôle. C'est axé sur la volonté de trouver le juste équilibre entre le développement, le commerce et nos objectifs de politique d'affaires étrangères. Et nous croyons que nous avons trouvé cet équilibre approprié.

Q Qu'est-ce que ça veut dire pour le travail d'un diplomate du ministère des Affaires étrangères?

R Ça veut dire que ceux qui travaillent au service des Affaires étrangères, qu'ils soient des délégués commerciaux ou non, on s'attend à ce qu'ils fassent tous la promotion des intérêts commerciaux du Canada, en plus des responsabilités qu'ils ont déjà. [...] Tous vont comprendre que l'un des objectifs principaux de notre politique étrangère est de stimuler la croissance économique au pays.

Q Qu'est-ce que ça veut dire pour quelqu'un qui travaille pour la division du développement et de l'aide internationale au Ministère?

R Nous voulons aligner nos objectifs de développement, de commerce et de politique étrangère d'une manière qui donne de meilleurs résultats aux Canadiens. Nous croyons que nous pouvons améliorer nos résultats relatifs au développement de manière tangible en adoptant une approche gouvernementale globale. Ne pas aborder le développement de manière isolée. Ne pas aborder le commerce de manière isolée. C'est pourquoi nous avons déplacé le développement vers le cadre plus large des affaires étrangères et de la politique étrangère: pour nous assurer que les affaires étrangères, le commerce et nos objectifs de développement sont pleinement alignés à l'avenir.

Q Pouvez-vous donner un exemple de l'alignement de ces trois piliers?

R Le Canada est un leader mondial dans le secteur minier. Nous sommes numéro un dans le monde. [...] Nous croyons qu'il y a des moyens de marier les intérêts commerciaux et certains des investissements qui sont faits dans ces pays avec nos objectifs de développement pour créer un meilleur résultat, plus de valeur pour les investissements qui sont faits d'une manière générale. Et nous croyons que ce faisant, nous améliorons notre capacité d'utiliser le commerce et le développement pour sortir plus de gens de la pauvreté dans certaines des régions les plus pauvres du pays. Prenez la Birmanie, par exemple. C'est un pays qui est l'un des plus pauvres du monde. Ils sont riches en ressources naturelles, mais ont un historique de relations avec des partenaires commerciaux qui n'ont pas été optimales. La marque de commerce du Canada en est une qui se concentre clairement sur la conduite des affaires d'une manière qui fait la promotion des valeurs canadiennes à l'étranger, mais qui permet aux entreprises canadiennes d'avoir du succès à l'étranger. [...] C'est un mariage d'intérêts.

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LA DIPLOMATIE À LA SOLDE

Les partis de l'opposition ont critiqué une approche diplomatique canadienne trop centrée sur des intérêts privés, hier. «Ce qu'on voit ici, encore une fois, avec les conservateurs, c'est qu'ils veulent mettre la diplomatie à la solde du secteur privé», a noté le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair. M. Mulcair a toutefois fait valoir que le dossier iranien illustrait l'incapacité du gouvernement Harper d'engager un dialogue diplomatique avec qui que ce soit. «Ils peuvent dire tout ce qu'ils veulent sur le secteur privé qui va dicter nos choix diplomatiques, même ça, ça ne veut rien dire, a-t-il conclu. C'est un gouvernement usé, fatigué, à court d'idées, et il faut les remplacer au plus sacrant.» Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, a lui aussi critiqué une trop grande proximité avec les entreprises. «La job de nos diplomates, ce n'est pas principalement de défendre les intérêts des corporations canadiennes, a dit M. Trudeau. C'est d'être présents et engagés sur bien des niveaux dans la scène internationale. «J'ai bien peur qu'une fois de plus, ce gouvernement va avoir manqué de compréhension de l'importance d'une intervention et d'une présence internationale équilibrée et forte.»