L'expansion réelle de l'économie canadienne a de quoi surprendre: elle s'accélère, alors que le taux d'inflation décélère.

Selon toute vraisemblance, on apprendra vendredi que la croissance annualisée aura été de 2,3 à 2,5%, de juillet à octobre. Ce chiffre se compare avantageusement avec celui de l'Union européenne (0,8%), de la zone euro (0,4%) et du Japon (1,9%).

En fait, seuls le Royaume-Uni et, peut-être, les États-Unis auront fait mieux. Dans le premier cas, on a observé un robuste 3,2%. Dans le second, une estimation préliminaire fait état d'un rythme d'expansion de 2,8%. Toutefois, ce pronostic est survenu avant que ne soient connues les données du commerce international de septembre qui ont montré un déficit beaucoup plus élevé que ce qui avait été estimé. Début décembre, une nouvelle évaluation de la croissance réelle devrait la placer près des 2,5%, un rythme qu'aura peut-être atteint l'économie canadienne aussi.

Quoi qu'il en soit, l'expansion aura été plus rapide que le rythme de 1,8% projeté par la Banque du Canada le mois dernier. En revanche, les autorités monétaires ont misé sur une accélération automnale qui ne se concrétisera peut-être pas, en raison du ralentissement désormais escompté de l'économie américaine à cause de la fermeture du gouvernement durant deux semaines, le mois dernier.

Une vitesse de croisière supérieure à 2% comble partiellement l'écart de production, c'est-à-dire la différence entre la croissance réelle de l'économie et son rythme d'inflation optimal sans inflation estimé par la Banque à 1,9% pour 2013 et 2014.

En principe, cela devrait nourrir quelque peu l'inflation, étonnamment faible à 0,7% le mois dernier. Certes, les prix de l'essence ont diminué, tout comme ceux des vêtements, mais on aurait pu s'attendre à une plus grande avancée générale des prix plutôt qu'à leur décélération. L'inflation de base, qui exclut les variables les plus volatiles comme l'essence et les aliments, a aussi reculé à 1,2%.

Les autorités monétaires prévoient une augmentation du coût de la vie en rythme de 1,3% cet automne, ce qui suppose une accélération des prix en novembre et décembre, qu'on peine à observer jusqu'ici.

Le Canada n'échappe pas à la tendance générale observée dans la plupart des économies avancées qui vivent une période de désinflation. En Europe dans son ensemble, les prix à la consommation progressent à un rythme inférieur à 1%; aux États-Unis et au Japon, tout juste à 1%.

Dans tous ces cas, cela illustre bien que subsistent beaucoup de capacités de production inutilisées.

Au Canada, c'est toutefois un peu différent. La semaine dernière, l'OCDE faisait remarquer qu'il existe encore peu de capacités inutilisées.

Si le rythme de l'inflation reste faible comme ailleurs dans les économies avancées où les capitaux regorgent, c'est peut-être aussi qu'on commence à ressentir les effets d'une meilleure mesure de l'inflation.

Depuis quatre ans, Statistique Canada a enrichi son enquête sur la marche des prix à la consommation. Le panier de biens et services a été agrandi, et les pondérations (leur poids relatif) sont désormais ajustées tous les deux ans, au lieu de cinq. En outre, on mesure désormais l'effet de substitution sur la valeur du panier. Par exemple, si le prix du boeuf monte, les consommateurs choisiront de manger plus de poulet ou de porc (s'ils ne sont pas juifs ou musulmans).

En mars 2013, on a apporté la dernière modification.

L'agence fédérale a observé que les prix ont ralenti de 0,2% entre 2009 et 2011 avec la nouvelle méthodologie.

Comme ce changement méthodologique a été fait en étroite collaboration avec la Banque du Canada, on s'étonne que les autorités monétaires ne tiennent pas compte (du moins publiquement) de cet élément quand elles jaugent la décélération de l'inflation des prix à la consommation.

Chose certaine, cela ne milite pas pour une baisse du taux directeur, bien ancré à 1% depuis septembre 2010.