La péréquation est un trait distinctif de la fédération canadienne, enchâssée dans la Constitution de 1982. Elle a pour objectif d'assurer que les gouvernements provinciaux ont assez de revenus pour offrir des services publics comparables à partir d'un niveau de taxation comparable.

Son calcul est l'objet d'âpres négociations tous les cinq ou six ans. La prochaine ronde, qui doit commencer l'an prochain, ne fera pas exception.

La péréquation se fait au moyen de transferts de revenus d'Ottawa aux provinces dont la capacité fiscale est inférieure à d'autres, plus nanties. Au Canada, seule la riche Alberta n'a jamais touché de péréquation. Toutefois, sur un horizon de 10 ans, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont aussi payé plus d'impôt fédéral qu'elles en ont reçu sous forme de transferts, selon une toute récente étude de Mike Milke, fellow de l'Institut Fraser.

Le chercheur fait deux observations susceptibles de nourrir de vieilles querelles. La première et la plus simple, c'est que rien n'oblige Ottawa à augmenter ou à maintenir ses paiements aux provinces bénéficiaires.

Le gouvernement de Jean Chrétien n'a d'ailleurs pas hésité à réduire les paiements de transferts (qui incluent la péréquation) de 6 milliards de dollars, à hauteur de 20,5 milliards, dans ses efforts pour rétablir l'équilibre budgétaire durant les années 90.

La deuxième observation est plus retorse. Si fournir un service dans une province contributive coûte quatre fois plus cher que dans une province bénéficiaire de péréquation, laquelle a le niveau de vie réellement plus élevé? «Après tout, si ça coûte moins cher de faire des affaires dans une province, pourquoi aurait-elle besoin de péréquation?», demande l'auteur.

M. Milke suggère que cet élément soit mesuré dans le calcul de la prochaine formule de péréquation. Cela pourrait avoir pour effet de diminuer la contribution des provinces les plus riches.

Il suggère le concept de sur-péréquation, selon lequel les transferts seraient financés par la classe moyenne des provinces les plus riches pour être alloués surtout aux citoyens les plus riches des provinces moins nanties.

Toute formule moins généreuse ne toucherait pas avant tout le Québec, sur une base par habitant. Le Québec a reçu d'Ottawa 2921$ de plus que sa contribution, en moyenne, entre 2000 et 2009, comparativement à 23 352$ à l'Île-du-Prince-Édouard. À l'opposé, l'Alberta a reçu 15 407$ en moins.

L'auteur s'attarde ensuite à mesurer 19 variables du poids du secteur public dans l'économie, par rapport à l'Alberta.

La principale observation de l'étude devrait rassurer quelque peu le Québec. Cinq provinces bénéficiaires de la péréquation dépensent davantage que lui, en proportion de la taille de leur économie.

L'auteur évacue cependant l'essentiel, soit le bien-fondé de la péréquation, nonobstant le pouvoir de taxation des provinces: «Enlevez au Québec les 7,8 milliards reçus en paiements de transferts et en péréquation, et considérez si chaque priorité de dépense peut être conservée, observe-t-il. C'est possible, mais seulement en taxant ou en empruntant davantage.»

Posons la question autrement. Si la zone euro avait un programme de péréquation comme celui du Canada, traverserait-elle sa crise actuelle? M. Milke n'aborde pas cette question pourtant lumineuse.