Twitter a perdu plus de 440 millions de dollars depuis 2010 et n'a jamais fait de bénéfices, mais il espère lever 1,6 milliard en Bourse et s'estime à 11 milliards. C'est un pari sur l'avenir, sur un chemin jonché d'obstacles.

Le réseau social, qui pourrait faire ses premiers pas à la Bourse de New York la semaine prochaine, sera peut-être le prochain poids lourd du secteur technologique. À moins qu'il ne soit qu'un feu de paille.

«Twitter est persuadé d'avoir une énorme chance de devenir une plateforme mondiale incontournable, et investit dans cette optique», explique Lou Kerner, fondateur du Social Internet Fund, une société d'investissement spécialisée dans l'internet social. «Si le groupe y parvient, il aura une énorme valeur, sinon son prix est très excessif.»

Les conditions avancées actuellement pour l'entrée en Bourse de Twitter suggèrent une valorisation de 9,3 à 11,1 milliards de dollars. Et l'évaluation reste prudente, comparé aux 15, voire 20 milliards, qu'avaient envisagés certains experts.

Gros potentiel d'influence et de croissance

Lou Kerner explique que Twitter est déficitaire à cause de ses investissements en technologies et en personnel. Le réseau social prend le pari de transformer sur le long terme ce qui reste aujourd'hui un produit de niche - 232 millions d'utilisateurs dans le monde, contre 1,15 milliard pour Facebook - en un service bien plus gros, capable de «monétiser» sa base de membres.

Twitter a commencé en 2011 à offrir ses services aux publicitaires, sous la forme de messages «sponsorisés», payés par des annonceurs et s'affichant entre les autres publications vues par ses utilisateurs. Il cherche, depuis, des moyens de se développer en ce domaine, avec des publicités mieux ciblées, répondant aux intérêts des utilisateurs.

Son influence pourrait être d'autant plus élevée qu'il attire un grand nombre de célébrités, de journalistes et de leaders politiques du monde entier.

Michael Pachter, un expert des valeurs technologiques de la société d'investissement Wedbush Securities, estime que le réseau a atteint une «masse critique».

Néanmoins, «ils ont à peine gratté la surface» et «ont attiré environ 10% des gens intéressants dans le monde qui devraient être sur Twitter», juge-t-il, soulignant le gros potentiel de croissance de l'entreprise.

Aswath Damodaran, professeur de finance à l'université de New York, voit bien Twitter enregistrer d'ici dix ans un chiffre d'affaires de 11,2 milliards de dollars (contre 317 millions en 2012), avec une marge d'exploitation de 25%.

Sur son blogue, il juge que Twitter a tiré les leçons de l'entrée en Bourse catastrophique de Facebook l'année dernière, et n'a pas placé la barre trop haut tant en termes du volume d'actions offertes que du prix visé qui, selon lui, «sous-évalue de 20%» l'entreprise.

«Les investisseurs actuels de Twitter (...) sont des complices volontaires, qui voient la perte du jour d'entrée en Bourse comme un petit prix à payer pour une sortie bien plus lucrative du capital plus tard», avance-t-il.

Des rivaux en embuscade

«La simplicité qui fait l'attrait de Twitter le rend aussi vulnérable», prévient néanmoins Lou Kerner, qui n'écarte pas le risque qu'il se fasse dépasser par un rival.

Les internautes passent déjà plus de temps sur d'autres services comme SnapChat, WhatsApp, Skype IM ou Apple iMessage, relève Trip Chowdhry, analyste chez Global Equities Research.

Il juge aussi que Twitter ne réagit pas assez vite au développement de «l'internet visuel», dont témoigne le succès de services photos comme Instagram ou Pinterest.

Le réseau social a justement annoncé cette semaine une nouvelle présentation «plus visuelle» de son site, permettant l'affichage direct de photos et vidéos. Cela pourrait aussi à terme servir pour des publicités, et se transformer en grosse source de revenus.

Mais Twitter «devra dépenser énormément d'argent dans des centres de données pour rattraper le visuel des (autres) réseaux sociaux, afin de rester concurrentiel face à Google, Facebook et Yahoo!», prévient Trip Chowdhry.