Autant la Réserve fédérale américaine (Fed) a pris de court les intervenants sur les marchés boursiers et obligataires, le mois dernier, en décidant de reporter le ralentissement progressif de sa planche à billets, autant elle les surprendrait encore en annonçant mercredi qu'elle se décide enfin.

À vrai dire, même un premier coup de frein cette année est jugé peu probable. Plusieurs observateurs parient désormais que l'initiative reviendra au successeur de Ben S. Bernanke à la tête de la Fed, Janet Yellen, qui entrera en fonction l'hiver prochain.

Une des raisons qui avaient poussé la Fed à surseoir la diminution graduelle de ses achats mensuels de 85 milliards US en obligations à long terme du Trésor et en titres adossés à des créances hypothécaires avait été la forte poussée des taux hypothécaires qui compromettait la relance tant attendue du marché de l'habitation.

Cette poussée avait commencé fin mai dans le sillage de la hausse des taux obligataires. Elle s'était accélérée à partir du 19 juin quand M. Bernanke avait évoqué pour la première fois que la Fed envisageait de commencer à diminuer ses achats à l'automne. De la mi-juin à la fin d'août, les taux sur les obligations de 10 ans sont passés de 2,10% environ à tout près de 3%. Ils sont descendus depuis à près de 2,50%.

Plusieurs observateurs estiment que l'ampleur de cette correction n'est pas justifiée.

Après tout, si la Fed était passée à l'acte dès septembre, ce n'aurait été que bien timidement, au rythme estimé de 75 milliards par mois au lieu de 85 milliards.

Si elle avait diminué ses achats d'encore 10 milliards à compter de décembre, cela aurait signifié une injection de 90 milliards de moins dans l'économie, entre septembre et mars. C'est tout de même 505 milliards de plus qu'en août! On est loin d'un resserrement monétaire qui aurait pu justifier une telle poussée des taux.

Le report de quelques mois ne justifie pas non plus le repli de près d'un demi-point des taux.

Voilà pourquoi la barre des 3% sur les obligations venant à terme dans 10 ans devrait être franchie pour de bon durant l'hiver, jugent beaucoup d'observateurs.

À moins, bien sûr, que le Congrès nous concocte un nouveau psychodrame, cet hiver, autour du relèvement prolongé du plafond de la dette ou de la mise en place de l'Obamacare, en dépit du cafouillage informatique attribuable en partie à la filiale américaine de CGI.

En pareil cas, ce serait la quatrième impasse politique en tout juste un an, après le mur budgétaire (en décembre 2012), les coupes budgétaires automatiques aveugles (au printemps 2013) et la fermeture du gouvernement (du 1er au 16 octobre).

Cela découragerait encore les embauches et les investissements, alors qu'ils ont ralenti à mesure que l'impasse d'octobre se concrétisait au Congrès.

Un nouvel épisode de dysfonctionnement de Washington est susceptible d'irriter les agences de notation de la dette américaine. Si on écarte l'hypothèse d'une nouvelle crise financière mondiale, cela devrait rendre les obligations moins attrayantes et pousser à la hausse les coûts d'emprunt des États-Unis.

Évidemment, cela aura aussi pour effet de faire hésiter encore la Fed à passer à l'action.

Du côté canadien, les taux des obligations canadiennes évolueront en étroite corrélation. Depuis plusieurs mois, l'échéance de 10 ans se négocie à des taux inférieurs de quelques centièmes aux taux américains. Celle de 30 ans, à un taux inférieur d'un demi-point environ, grâce à une maîtrise plus convaincante des finances publiques et à une vie parlementaire moins dysfonctionnelle.