La Banque du Canada s'apprête à célébrer ses noces d'argent avec son taux directeur.

Elle le reconduira mercredi à 1% pour une 25e fois d'affilée. Tout indique que le mariage a encore un bel avenir.

On doit s'attendre à ce que le communiqué faisant part de sa décision réitère que «la détente monétaire considérable en place demeurera appropriée» puisque les trois conditions devant permettre une normalisation sont loin d'être en place.

Il existe encore une marge importante de capacités inutilisées dans l'économie canadienne, comme en fait foi la croissance réelle annualisée observée depuis un an et demi. Pour combler cette marge, il faudrait que l'expansion s'accélère à la cadence d'au moins 2,5%, a précisé au début du mois le premier sous-gouverneur, Tiff Macklem, devant l'Economic Club de Toronto.

À la fin du mois de juin, le rythme de croissance annuelle était de 1,4%.

M. Macklem avait aussi indiqué que la Banque escomptait un rythme d'expansion de 2 à 2,5% en seconde moitié d'année, plutôt que l'estimation de 3,8% et 2,5% faite à la mi-juillet.

À l'époque, la Banque ne pouvait savoir à coup sûr que le Congrès américain allait fermer le gouvernement pendant deux semaines pour finalement reporter de trois mois la décision cruciale du relèvement à long terme du plafond de la dette des États-Unis.

Le psychodrame politique de nos voisins a pour fâcheuse conséquence de ralentir l'expansion américaine sur laquelle compte laBanque pour que se matérialise son scénario d'une croissance canadienne soutenue par les exportations et les investissements privés. Ces deux vecteurs n'ont toujours pas retrouvé leur niveau d'avant-récession et entretiennent la sous-utilisation des capacités de production.

Il est bien possible, par ailleurs, que la Banque rajuste à la baisse le potentiel de croissance sans inflation de l'économie canadienne, jaugé à 2,1% cette année et à 2,2% pour 2014. Les investissements sont faibles, tout comme les gains de productivité.

Une deuxième condition pour maintenir le taux directeur si faible, c'est l'anémie du taux d'inflation totale. En septembre, il se situait à 1,1%, soit bien près de la borne inférieure de sa fourchette cible de 1 à 3%. Ce rythme est toutefois conforme à son scénario qui prévoyait le retour au taux cible de 2% en deuxième moitié de 2015.

Mark Carney, le prédécesseur du gouverneur Stephen Poloz, avait longuement expliqué que la normalisation du taux directeur pourrait se faire après l'atteinte de la cible d'inflation totale de 2%. Il s'est toutefois bien gardé de préciser ce que sera un taux directeur normal, mais d'aucuns pensent qu'il sera plus faible que les quelque 4% estimés au cours des cycles précédents.

Dans ces conditions, beaucoup d'observateurs se sont demandé pourquoi la Banque ne choisissait pas plutôt d'abaisser son taux afin, théoriquement, de stimuler la croissance et les prix. Des spéculateurs ont longtemps parié sur cette hypothèse.

En fait, le taux d'endettement des ménages reste à des niveaux inquiétants, alors que les conditions de crédit sont déjà très souples. La Banque ne veut pas contribuer à les assouplir davantage.

C'est aussi pourquoi elle mise tant sur la relance des exportations. M. Poloz affirmait récemment que le point d'inflexion entre une croissance fondée sur la consommation et une mue par les exportations était pour bientôt.

Les chiffres d'août sur la balance commerciale et les livraisons des manufacturiers ne corroborent pas cet optimisme. Le psychodrame automnal du Congrès américain permet de croire au report d'une saison ou deux du «bientôt» si cher au gouverneur.

D'ici là, le mariage de la Banque avec son taux directeur à 1% restera harmonieux.