Dix milliards de dollars? Quinze milliards? La future introduction en Bourse de Twitter affole les compteurs sur la valorisation du réseau social, mais laisse en suspens les interrogations sur son modèle commercial et sa rentabilité.

Depuis l'annonce jeudi de son prochain lancement à Wall Street, les spéculations, déjà anciennes, sur la valeur de l'entreprise ont repris de plus belle.

Fondé il y a sept ans à San Francisco, Twitter vaudrait entre 10 et 15 milliards de dollars, selon les experts et la presse spécialisée, des montants sans commune mesure avec ses revenus actuels.

Les comptes de l'entreprise ne sont pour l'heure pas publics, mais selon le cabinet d'études PrivCo, le réseau social aurait réalisé un chiffre d'affaires de «seulement» 245 millions en 2012 qui devrait plus que doubler cette année.

D'après un autre cabinet spécialisé, eMarketer, ses recettes devraient encore flamber l'année prochaine et frôler le milliard de dollars.

«Ce n'est pas tout à fait Facebook, mais c'est le plus gros événement» depuis l'entrée en Bourse mouvementée du site communautaire en 2012, assure à l'AFP Lou Kerner, fondateur du fonds d'investissement Social Internet Fund.

À 15 milliards, Twitter serait toutefois loin de la capitalisation boursière de Facebook (107 milliards) ou de Yahoo! (30 milliards) et se rapprocherait de groupes comme le site de vidéo à la demande Netflix (17,7 milliards) ou le fabricant de jouets Mattel (14,8 milliards).

Mais cela correspond-il à sa valeur réelle? «Quinze milliards ne me semblent pas être un montant déraisonnable», ajoute M. Kerner, assurant que Twitter s'est imposé comme une «puissante» plateforme d'expression, avec ses plus de 200 millions d'utilisateurs actifs, offrant des opportunités «fantastiques» en termes de marketing.

Le réseau peut d'ailleurs s'appuyer, pour l'heure, sur sa position hégémonique.

«Je ne pense pas qu'il y aura un concurrent dans le micro-blogage», prédit Nate Elliott, analyste au cabinet Forrester Research, mais les changements du marché sont difficiles à prévoir dans un secteur en mutation constante.

«Un nouveau site à la mode peut débarquer» et provoquer une désaffection vis-à-vis de Twitter, ajoute-t-il.

Quel modèle?

Pour consolider sa position et répondre aux doutes récurrents sur sa rentabilité, Twitter a récolté des recettes publicitaires dès 2010 en permettant à des entreprises de publier des «tweets de promotion» sur le fil des utilisateurs.

Il s'est aussi lancé dans la publicité sur mobile en 2012 et a permis aux annonceurs de cibler les utilisateurs en fonction de leur localisation géographique ou de leur mode d'utilisation du réseau (téléphone, ordinateur, tablette...).

«De nombreuses personnes avaient des doutes sur la capacité à insérer des publicités, mais ils l'ont fait», estime M. Elliott.

Son optimisme ne fait pourtant pas l'unanimité. Certains experts se montrent réservés sur le «business model» de l'entreprise.

Sa décision de repousser la publication de ses finances a d'abord fait des mécontents.

Le groupe a choisi d'entrer en Bourse en utilisant une procédure «confidentielle» réservées aux entreprises réalisant moins d'un milliard de dollars de chiffres d'affaires et lui évitant de publier des informations financières jusqu'a 21 jours avant d'entamer la tour de table des investisseurs.

«Ce n'est pas un bon signe, sachant que les réseaux sociaux sont fondés sur l'ouverture et la transparence, juge Trip Chowdhry, de Global Equities Research.

«Si votre culture est basée sur l'ouverture, est-ce que votre entrée en Bourse ne devrait-elle pas également l'être», s'interroge l'expert, qui se montre par ailleurs sceptique sur la rentabilité du site à long terme.

Plus généralement selon lui, Twitter a certes conquis des positions sur le marché publicitaire en ligne, mais rien ne dit qu'il pourra maintenir une telle progression.

«Les dépenses publicitaires n'augmentent pas, mais elles sont redistribuées entre vieux et nouveaux médias et entre plusieurs domaines» sur internet, détaille M. Chowdhry.

«L'ère de la croissance en flèche est finie», assure-t-il, rappelant que plusieurs entrées en Bourse de sites internet se sont suivies par des baisses de valeur vertigineuses (Zynga, Groupon...).