C'est la guerre entre deux têtes fortes. Elles ont 52 ans, des tempes grisonnantes, une bouille qui attire les regards et elles n'ont pas la langue dans leur poche. L'une a fait sa fortune grâce aux investissements à risque et l'autre fait figure d'autorité à Hollywood.

Mais on n'inviterait pas Daniel Loeb, patron du fonds spéculatif Third Point, à la même table que George Clooney! Rappelons que des commentaires de Loeb au sujet de Sony Pictures Entertainment, à la suite du dévoilement des résultats du premier trimestre de 2013 de l'entreprise, la semaine dernière, ont irrité au plus haut point l'acteur du film The Descendants et producteur d'Argo.

Depuis quelques mois en fait, soit depuis que Third Point détient 6,9% des actions de Sony, Daniel Loeb soutient que les dirigeants de Sony Pictures Entertainment ne méritent pas leur salaire. Il prend notamment pour argumentaire le rendement décevant au box-office mondial des récents films After Earth, de M. Night Shyamalan, avec Will Smith et White House Down, de Roland Emmerich, avec Jamie Foxx.

Pourtant, si, au 1er août 2013, White House Down (budget de production de 150 millions US) souffre d'un maigre revenu de 116,7 millions US, After Earth (budget de production de 130 millions US) a généré des entrées de 242,3 millions US malgré des week-ends d'ouverture nettement sous les attentes.

Accusations de laxisme

«Contrairement à la division Électronique, celle de divertissement continue d'être dirigée avec laxisme, avec une lourde structure, des salaires élevés, des conditions avantageuses pour des exécutifs qui ne performent pas et des budgets marketing qui ne sont pas en lien avec le retour sur l'investissement», soutient néanmoins Daniel Loeb dans une lettre aux investisseurs.

Photo: Bloomberg

Daniel Loeb

Celui-ci suggère ainsi à Sony de se départir (jusqu'à hauteur de 20%) de sa division Divertissement. Ce qui permettrait, à ses yeux, de faire croître à sa juste valeur la division Électronique. Conséquence: les investisseurs demandent maintenant des comptes au sujet de la division Divertissement.

La suggestion est à l'étude en collaboration avec Morgan Stanley et Citigroup, selon Sony, même si les possibilités d'union de contenus cinématographiques et télévisés sur des appareils Sony s'accroissent sans cesse et laissent présager de meilleurs jours pour l'entreprise.

«Manipulateur de marchés»

Cette décision a fait bondir George Clooney, qui a traité Loeb, habitué à de telles sorties, de «manipulateur de marchés». «Il ne connaît rien de notre industrie», soutient celui dont le prochain film (The Monuments Men) sortira bientôt sous étiquette Sony.

«Et il pense à décapiter la direction de Sony sous prétexte que deux films n'ont pas bien performé au box-office! Qu'il ne tienne compte que d'une si petite période de temps me rend fou! Heureusement, cette industrie crée de l'emploi et est dirigée par des gens qui la comprennent. Par ailleurs, pourquoi Loeb achète-t-il en fou des actions s'il estime que l'industrie est en chute libre?»

Qui les dirigeants de Sony écouteront-ils?

N'en déplaise à George Clooney, Sony Pictures Entertainment ne va pas bien. La division Divertissement enregistre des profits de 3,7 milliards de yens à son premier trimestre de 2013 (terminé le 30 juin) comparé à une perte de 4,9 milliards à la même période l'an dernier. Les ventes s'élèvent à 158,9 milliards de yens (1,67 milliard de dollars US), en hausse de 3,6% par rapport à il y a 12 mois. Elle doit toutefois son rendement à la dévaluation planifiée du yen.

Dans les faits, en dollars américains, les ventes ont chuté de 16% en raison notamment des rendements décevants de films récents à gros budget. «Sans la vente pour 106 millions d'un catalogue de chansons à un acheteur canadien, Sony Pictures n'aurait pas été profitable», soutient Daniel Loeb.

Au même moment, les ventes de la division Produits mobiles et de communications se sont accrues de 36,2% en yens et de 14% en dollars US, pour s'établir à 3,9 milliards en dollars.