Que doit faire une banque centrale quand l'inflation est plus faible que prévu au moment où la croissance gagne du tonus?

La réponse du gouverneur Mark Carney sera sans aucun doute de camper à nouveau sur le statu quo. Le taux directeur de la Banque du Canada, fixé à 1% depuis septembre 2010, sera reconduit, tout comme le message que son prochain geste sera une hausse du taux cible de financement à un jour, pas une baisse.

Le 17 avril, la Banque avait édulcoré au maximum la formulation d'une hausse éventuelle du taux. Qu'on en juge: «Comme l'économie canadienne continue d'afficher des capacités inutilisées, que les perspectives en matière d'inflation sont modérées et que l'évolution des déséquilibres dans le secteur des ménages est constructive, la détente monétaire considérable en place actuellement demeurera probablement appropriée pendant un certain temps, après quoi une réduction modeste sera probablement nécessaire, de façon à atteindre la cible d'inflation de 2%.»

Plusieurs observateurs soutiennent que la Banque devrait laisser tomber la formule «une réduction modeste sera probablement nécessaire».

Ils font remarquer que la très faible inflation (0,4% en avril) reflète que les capacités inutilisées sont peut-être plus considérables que l'estimation qu'en fait la Banque. En avril, elle croyait que c'est seulement au milieu de 2015 que l'économie canadienne tournera à plein régime, en présumant d'une croissance de 2,8% l'an prochain, ce que d'aucuns jugent jovialistes.

Plusieurs fois par le passé, la Banque a péché par excès d'optimisme, ce qui l'a par la suite forcée à réviser à la baisse ses prévisions de croissance et à modérer ses ardeurs à vouloir normaliser son taux directeur.

Au point où l'ultime argument militant pour une hausse éventuelle était le niveau d'endettement des ménages.

Même si celui-ci semble se stabiliser, omettre de rappeler que les taux d'intérêt devront augmenter avant longtemps enverrait un signal dangereux.

En outre, il semble bien que le renoncement de la Banque à son péché véniel, en avril, n'ait pas apporté les indulgences escomptées. Le taux de croissance annualisé de l'économie canadienne au premier trimestre a été beaucoup plus vigoureux que sa prévision de 1,5%.

Selon toute vraisemblance (des révisions statistiques imprévisibles sont toujours possibles), le rythme annualisé de l'expansion a dépassé les 2% et pourrait même avoir atteint 2,4%, soit celui des États-Unis. Si tel était le cas, seul le Japon aurait mieux fait parmi le G7 avec un taux de 3,5% qui fait cependant suite à plusieurs trimestres de décroissance.

Les chiffres du PIB seront connus deux jours après l'annonce de la Banque. Celle-ci est cependant bien outillée pour tenir compte du raffermissement de la croissance.

Les tenants d'une attitude franchement neutre ne semblent pas tenir compte de deux éléments.

Le premier, c'est que l'affaiblissement du dollar canadien devrait freiner la désinflation, contenir le commerce transfrontalier et, corollairement, stimuler quelque peu les ventes des détaillants canadiens. Depuis le 17 avril, il a encore cédé un demi-cent d'équivalence face au billet vert.

Le second, c'est que chaque édition du Rapport sur la politique monétaire (RPM) depuis le printemps 2010 contient la phrase suivante: «La projection de la Banque intègre une réduction de la détente monétaire se réalisant progressivement au cours de la période de projection, de façon compatible avec l'atteinte de la cible d'inflation.»

Pour être cohérente, l'omission du biais en faveur d'un resserrement devrait aussi disparaître du RPM.

Le prochain rapport paraîtra le 17 juillet. Sa rédaction sera sous la gouverne du successeur de Mark Carney, Stephen Poloz, qui entre officiellement en fonction lundi prochain.

Durant l'été, on saura beaucoup mieux si l'accélération de la croissance n'aura été qu'une embellie après un an d'une expansion en grisaille.