En voulant attirer au Chili 1000 entreprises étrangères d'ici 2014, le programme Start-Up Chile se veut un électrochoc pour secouer le pays. Mais pour créer une véritable économie de l'innovation, le Chili devra aussi mettre du capital dans les mains de ses entrepreneurs. Un défi que quelques pionniers travaillent déjà à relever.

Si vous cherchez quelqu'un qui croit qu'il est possible de bâtir une économie de l'innovation au Chili, allez frapper à la porte d'Alexander Seelenberger.

À 34 ans, cet associé du fonds Aurus Capital fait partie de la poignée de Chiliens qui tentent de lancer une toute nouvelle industrie dans leur pays: celle du capital de risque.

«On est en train de parier 10 ans de notre carrière à essayer de démarrer une machine qui n'existe pas encore, affirme-t-il. On va probablement avoir besoin d'un peu de chance pour que ça fonctionne. Mais si c'est le cas, l'impact social sera énorme. On a le potentiel de changer la face du pays.»

Voix forte, débit rapide, ton assuré: ce diplômé de la Harvard Business School défend ses idées avec fougue, accompagnant ses propos de grands coups sur la table.

Sur papier, ce qu'il cherche à faire peut paraître simple. Il s'agit de miser de l'argent sur les jeunes entreprises technologiques qui commencent à voir le jour au Chili, de les aider à grandir, puis d'encaisser les profits lorsqu'elles percent les marchés ou décrochent de nouveaux investissements. Puis de recommencer.

En réalité, M. Seelenberger est conscient de faire ce qu'il appelle un «acte de foi».

Ses défis semblent effectivement considérables. Même dans les régions du monde où elle est solidement établie, comme la Silicon Valley, l'industrie du capital de risque est actuellement en profonde mutation. Or, au Chili, tout est à construire. Ajoutez à cela une économie mondiale qui n'en finit pas de tanguer et vous avez tous les ingrédients d'un vrai casse-tête.

Pourquoi pas au Chili

Le fonds pour lequel travaille M. Seelenberger, Aurus Capital, a pourtant déjà investi dans une vingtaine de jeunes entreprises technologiques du Chili et d'ailleurs. Ce qui lui fait croire que la partie est jouable se résume en deux choses: le talent et l'énergie qui, selon M. Seelenberger, fourmillent au Chili. Il attribue une partie du mérite au programme Start-Up Chile.

«Les Chiliens voient des diplômés de Harvard, du MIT ou de Stanford débarquer ici, et ils se rendent compte que ce sont des gars comme eux, dit M. Seelenberger. Ils se disent qu'ils sont capables de faire la même chose. On voit des cafés et des pubs où ces gens se réunissent et échangent des idées. Tout ça nous fait dire qu'il y a une occasion.»

Comme une poignée de jeunes fonds de capital de risque, Aurus Capital a été largement capitalisé par le gouvernement chilien. C'est qu'au-delà de Start-Up Chile, son programme le plus visible à l'étranger, le Chili a déployé un arsenal de mesures pour bâtir une économie de l'innovation. Conscient que les entrepreneurs et les investisseurs ont besoin les uns des autres, le gouvernement tente de faire apparaître les deux groupes simultanément.

Mais pour mettre vraiment le feu aux poudres, M. Seelenberger attend une chose: une grosse histoire à succès. Une entreprise qui émergera du Chili pour conquérir le monde. À ce moment, dit-il, la planète prendra vraiment le Chili au sérieux, les Chiliens se lanceront en affaires en masse en rêvant de refaire le coup et les financiers voudront faire sauter la banque à leur tour.

En attendant, Alexander Seelenberger travaille à jeter les bases d'une économie qu'il espère voir fleurir dans son pays. En tapant sur son bureau pour convaincre ses interlocuteurs que son rêve est possible.

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L'INNOVATION À L'AVANT-PLAN

Janvier 2010

Sebastián Piñera succède à Michelle Bachelet comme président du Chili. Son nouveau gouvernement constate qu'en engendrant une croissance annuelle de 6% pendant 10 ans, le Chili atteindra le rang des pays développés. Il décide de miser sur l'innovation pour y parvenir.

Février 2010

Le ministre de l'Économie, Juan Andrés Fontaine, offre à Nicolas Shea le poste de conseiller à l'entrepreneuriat. Shea, alors dans la mi-trentaine, travaille dans la Silicon Valley, en Californie, la Mecque mondiale de l'entrepreneuriat technologique. Le ministre lui confie une mission: accoucher d'un plan pour créer un écosystème d'innovation au Chili.

Mai 2010

Nicolas Shea nomme Cristobal Undurraga au poste de directeur du bureau de l'entrepreneuriat de Corfo, l'agence de développement économique du gouvernement chilien. Comme Shea, Undurraga est un jeune Chilien qui a étudié à Stanford et goûté à l'esprit de la Silicon Valley. Les deux hommes jettent les bases de ce qui deviendra Start-Up Chile.

Août 2010

Le gouvernement chilien lance la première rencontre de Start-Up Chile dans le cadre d'un projet-pilote. Vingt-deux entreprises en démarrage provenant de neuf pays y participent.

Mars 2011

Le premier véritable événement de Start-Up Chile démarre. Lancé avec très peu de publicité, il génère 325 candidatures; 83 entreprises en provenance de 26 pays sont choisies pour participer au programme, dont 6 canadiennes.

Mars 2012

Le quatrième événement de Start-Up Chile génère pour la première fois plus de 1000 candidatures.

Avril 2013

562 entreprises sont déjà passées par Start-Up Chile ou y participent actuellement; plus de 5600 candidatures ont été reçues depuis le lancement.