Un mercredi soir de janvier, dans un resto vietnamien bondé. Au bout d'une table, Ian Monroe, jeune prof de l'Université Stanford, débat de l'avenir des énergies renouvelables avec un Américain aux airs de jeune Bill Gates.

Tout autour, un groupe suit l'échange comme un match de boxe, intervenant allègrement tout en pigeant dans une montagne de rouleaux impériaux.

Une Polonaise, un Québécois, un Bolivien, une Japonaise, un Allemand, quelques Américains... Ceux qui refont ici le monde, un verre à la main, proviennent des quatre coins de la planète. Dans la vingtaine, passionnés de technologies, ils se sont tous lancés en affaires avec le même rêve: devenir le prochain Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook.

Ce genre de scène est typique de la Silicon Valley, en Californie, la Mecque mondiale de l'entrepreneuriat technologique. Nous sommes pourtant à des milliers de kilomètres de là, dans le quartier animé de Bellavista, à Santiago, au Chili.

La présence de ces entrepreneurs dans un pays davantage reconnu pour ses mines et son vin bon marché que pour sa technologie tient en deux mots: Start-Up Chile, programme lancé par le gouvernement chilien en 2010 et qui n'en finit pas de faire jaser la planète techno.

«Start-Up Chile est une allumette, résume Christobal Undurraga, directeur du bureau de l'entrepreneuriat pour Corfo - l'agence de développement économique du gouvernement chilien qui soutient le programme à coups de millions. Une allumette pour enflammer un écosystème d'innovation qu'on croit possible de créer au Chili.»

Plus grand producteur de cuivre du globe, deuxième producteur de saumon, cinquième exportateur de vin: le Chili compte actuellement sur une économie de ressources naturelles, qui le sert bien. Le pays compte le produit intérieur brut (PIB) par personne le plus élevé de toute l'Amérique latine et a connu une croissance de 5,5% en 2012 (contre 2,4% pour le Canada).

Mais le Chili caresse un rêve: devenir le premier pays d'Amérique latine à accéder au club sélect des pays développés. Et dans un monde où l'une des plus grandes capitalisations boursières s'appelle Apple, il a compris qu'il devait miser sur l'économie du savoir pour y parvenir.

Comment entamer ce virage en partant de zéro? Cette fois, le Chili a répondu à la question non pas en exportant, mais en faisant venir ce qui lui manquait: des jeunes armés d'ordinateurs portables qui rêvent de changer le monde.

«Nos analyses nous font croire que techniquement, le talent des Chiliens est aussi bon que celui des meilleurs au monde, dit Cristobal Undurraga. Mais on a observé un fossé dans l'ampleur de leurs rêves, dans leur volonté de s'imposer sur la scène internationale. On avait, au Chili, un problème d'ambition.»

Start-Up Chile est né de cette volonté de faire rêver les Chiliens en les mettant en contact avec de jeunes ambitieux du monde entier. Et pour attirer ces derniers, le gouvernement chilien a déroulé le tapis rouge.

Visa de travail, espace de travail gratuit, connexion internet et, surtout, budget de 40 000$US pour réaliser ses idées: chaque entreprise acceptée dans le programme Start-Up Chile voit les ressources se déployer devant elle.

Les entrepreneurs de partout ont répondu à l'appel et convergé vers le Chili. En un clin d'oeil, le pays s'est mis à briller sur la planète techno. Aujourd'hui, analystes et politiciens du monde entier suivent l'expérience de près. Si certains crient au génie, d'autres dénoncent ce qu'ils considèrent comme un gaspillage de fonds publics. Les participants de Start-Up Chile, eux, sont ravis.