Les relations sont tendues entre Vidéotron et Astral: après un an de négociations, Astral demande au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de fixer en arbitrage les tarifs que doit payer Vidéotron pour ses chaînes de télé spécialisées. Le litige pourrait compliquer la conclusion de la transaction Bell-Astral.

Ce différend commercial survient alors que Québecor Média, propriétaire de Vidéotron, s'oppose à l'achat d'Astral par Bell, annoncé en mars 2012. Durant cette période, Astral a conclu des ententes de distribution avec Cogeco et Telus, qui s'opposent aussi à la transaction Bell-Astral, sans devoir recourir aux services d'arbitrage du CRTC. Astral dit avoir proposé à Vidéotron «les mêmes conditions» qu'à Cogeco et Telus, selon une lettre d'Astral envoyée au Conseil.

Vidéotron fait valoir que sa situation est «bien différente» de celle des autres distributeurs puisqu'elle est le seul distributeur télé dont les activités sont presque uniquement au Québec, la seule province où les forfaits du câble sur mesure sont la norme. Les offres d'Astral «font fi» de cette «réalité commerciale unique», d'autant plus que les ententes précédentes «récompensaient Astral pour la perte de parts de marché», écrit Vidéotron au CRTC.

En vertu des règles du CRTC, les offres d'Astral et de Vidéotron pour les tarifs des chaînes d'Astral doivent rester confidentielles. Les dernières ententes de distribution entre Vidéotron et Astral (il y a six ententes négociées en même temps), d'une durée de trois ans, sont échues depuis le 31 décembre 2012. Les abonnés de Vidéotron continuent d'avoir accès aux chaînes d'Astral durant le litige car cette dernière n'a pas le droit de les retirer de Vidéotron. De toute façon, ce genre de litige se règle généralement avec une entente rétroactive, dans ce cas-ci au 1er janvier 2013.

Un impact sur Bell-Astral?

En plus de leur désaccord sur le fond, Astral et Vidéotron ne s'entendent pas sur le processus d'arbitrage au CRTC. Astral estime que cette mésentente procédurale pourrait compliquer la conclusion de l'achat d'Astral par Bell pour 3,38 milliards de dollars.

Alors qu'Astral veut un simple processus d'arbitrage par dépôt d'offres, Vidéotron demande que le CRTC tienne des audiences publiques accélérées (dont une bonne partie serait confidentielle en vertu des règles) et qu'il scinde le dossier en deux. Vidéotron veut que le Conseil se prononce d'abord sur le cas des chaînes spécialisées, avant d'étudier le cas des chaînes payantes.

Astral demande au contraire que toutes les demandes d'arbitrage soient entendues simultanément. Selon elle, un litige qui traînerait en longueur compliquerait la vente des six chaînes d'Astral (Family, Disney XD, Disney Junior [anglais et français], Musimax, MusiquePlus) dont Bell devra se départir afin de conclure la transaction. Astral «ne voit pas comment Vidéotron, qui opère sous les mêmes conditions que Cogeo, Bell Média, Telus et les autres [distributeurs] [...], peut faire face à des conditions de marché tellement uniques qu'il ait besoin [...] [d'un processus d'arbitrage différent].»

Vidéotron se défend de faire traîner le dossier en longueur. L'entreprise dit vouloir faire respecter «les règles de justice naturelle» et «n'accepte pas que le processus soit escamoté dans le seul et unique but de satisfaire le nouvel agenda d'Astral et la transaction éventuelle avec Bell», précisant au passage qu'Astral a suspendu les négociations à deux reprises en 2012 (de juin à août, puis de novembre à la mi-décembre).

Astral et Vidéotron ont demandé en novembre dernier l'intervention du CRTC à titre de médiateur. Après trois offres infructueuses de part et d'autre, Astral a demandé le 6 mars dernier au CRTC de fixer en arbitrage les tarifs de ses chaînes spécialisées. L'organisme réglementaire doit décider au cours des prochains jours s'il accepte la demande d'arbitrage d'Astral.

Le Conseil offre un processus d'arbitrage contraignant pour les parties depuis 2009. Auparavant, les litiges se réglaient surtout en médiation. En quatre ans, le CRTC a réglé quatre dossiers d'arbitrage entre des chaînes de télé et des distributeurs.

Astral et Vidéotron n'ont pas commenté hier leur mésentente au sujet des tarifs des chaînes spécialisées d'Astral.