Constatant des «fissures importantes» dans l'architecture des régimes de retraite à prestations déterminées (PD), les seuls à garantir une rente à vie, le rapport D'Amours choisit d'aller à contre-courant des tendances patronales actuelles qui consistent à les fermer ou à les transformer en régimes à cotisations déterminées (CD) pour les nouveaux employés.

Le déficit agrégé des régimes PD sous la supervision de la Régie des rentes du Québec (RRQ) s'élevait à 40,8 milliards de dollars à la fin de 2012.

Déficit de solvabilité au 31 décembre 2012: 40,8 milliards, dont 9 milliards pour les 170 régimes municipaux et 4 milliards pour les régimes des universités.

Pas surprenant, dès lors, que les employeurs veuillent se défaire de ces régimes, même si ce sont ceux qui offrent la meilleure protection au moindre coût aux retraités. En 2000, la Régie supervisait 1160 régimes, dont 79 avaient un volet CD. Fin 2011, c'était plutôt 787 régimes, dont 190 avaient un volet CD.

«Il faut assurer la pérennité et la viabilité des régimes PD, lit-on dans le rapport. Il faut en même temps faire en sorte qu'un plus grand nombre de travailleurs bénéficient d'un régime de cette nature et ne pas hésiter à innover à cette fin.»

L'innovation, c'est avant tout la création de la rente longévité.

C'est aussi d'apporter à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (LRCR) d'importants amendements pour refaire la plomberie des régimes PD.

Les experts soulignent que la remontée éventuelle des rendements boursiers ou des taux d'intérêt obligataires ne pourra tout réparer. Les concepteurs des régimes PD ont tout simplement sous-estimé les coûts des promesses faites aux participants qui vivent plus longtemps qu'on avait cru.

Quinze des 21 recommandations du Comité portent sur les moyens de réparer les régimes PD.

Parmi elles, on propose de remplacer la solvabilité par une capitalisation améliorée comme mesure de la capacité d'un régime PD de faire face à ses engagements. Ça refléterait mieux la continuité des régimes, la solvabilité reposant sur l'hypothèse de leur terminaison.

Ce changement de concept actuariel diminuerait le déficit des régimes, qui devront être renfloués en 10 ans, mais augmenterait le coût de leurs services courants de 15% pour les régimes du secteur privé et de 21% pour les régimes municipaux et universitaires, qui sont moins bien capitalisés.

Le taux de solvabilité servirait seulement à mesurer le provisionnement des régimes dans l'hypothèse d'une bonification ou d'un congé de cotisations. Le seuil d'accès à ces deux avenues est fixé à 115%.

Le rapport propose aussi de restreindre la notion de droits acquis en matière d'indexation des rentes de retraite présentes et futures, de subventions à la retraite anticipée et à la rente du conjoint survivant. La pleine indexation peut représenter jusqu'à 30% des coûts d'un régime, mais beaucoup de régimes ne sont pas indexés.

Les experts recommandent ainsi de lancer une négociation de trois ans entre employeurs et syndicats qui permette la révision ou la suspension de l'indexation de la rente, y compris celle des retraités. Ces droits suspendus pourraient cependant être remisés et récupérés lorsque le taux de solvabilité aura été ramené à au moins 115%.

Advenant l'échec de la négociation, l'employeur pourra dès la quatrième année éliminer ou modifier unilatéralement l'indexation des prestations.

Ce pouvoir est toutefois assorti de trois conditions: la redéfinition unilatérale de l'indexation doit s'appliquer aux retraités actuels et futurs pour ce qui est des services passés; les changements ne devraient pas permettre de réduire de plus de moitié le déficit de capitalisation améliorée; et l'employeur devrait contribuer au régime dans la même proportion que l'effort demandé aux participants.

L'ensemble des mesures vise l'essentiel: assurer la pérennité des régimes PD.

Les experts soulignent d'ailleurs qu'un employeur ne pourra pas profiter du rétablissement de la santé d'un régime pour y mettre fin. S'il choisit d'y mettre un terme dans les 10 ans suivant sa restructuration, il devra rétablir les réductions de droits et les capitaliser.

La réparation proposée des régimes PD est un tout. On ne peut y souscrire en partie.

Elle est exigeante pour les élus provinciaux qui devront s'entendre pour modifier rapidement la LRCR. Pour les employeurs des secteurs public et privé comme pour les participants des régimes PD, le rapport propose une feuille de route inédite, contraignante, certes, mais réaliste. Sans doute est-elle perfectible, mais on aurait tort de se réfugier dans la procrastination ou l'aveuglement.

L'architecture des régimes PD est fragilisée; il ne faut pas attendre qu'ils implosent.