Nommé banquier central de l'année en 2012, Mark Carney aura mercredi une ultime occasion de nous présenter comment son équipe et lui expliquent la croissance anémique de l'économie.

Pour la quatrième fois d'affilée, les autorités monétaires devront reconnaître qu'elles ont péché par excès d'optimisme en matière de vivacité de l'économie canadienne, malgré la prudence de leurs assertions.

En janvier, elles avaient misé sur une croissance annualisée de 2,3% au premier trimestre, sans avoir en mains les chiffres de décembre. Or, le produit intérieur brut (PIB) réel a reculé de 0,2% durant le dernier mois de l'année, à la surprise générale. Le rebond de 0,2% en janvier, quoique bienvenu, a tout juste récupéré le repli de décembre.

Les indicateurs connus de février et de mars permettent d'espérer une expansion un peu plus robuste que celles de 0,7 et 0,6% des troisième et quatrième trimestres, mais assurément pas de l'ordre de 2,3% qu'avait prévu la Banque. Les données sur l'emploi en général et en usines en particulier ont de quoi inquiéter.

Un rythme d'expansion de 2,7% au printemps puis de 2,9% en seconde moitié d'année paraît tout aussi improbable.

Consommation et construction en berne

Les deux locomotives de la croissance depuis le début du présent cycle avaient été la consommation et la construction.

La Banque a longtemps craint la surchauffe, considérant l'endettement sans précédent des ménages comme le risque intérieur le plus grand. Pendant quelques mois, c'est ce risque qui l'incitait à stipuler qu'un resserrement monétaire serait bientôt nécessaire. Puis, elle a nuancé son propos en indiquant qu'un tel resserrement était «moins imminent».

Parallèlement, les ménages ont commencé à assainir leur bilan, les nouvelles règles en matière de garanties de prêts hypothécaires ont écarté du marché de l'habitation des acheteurs trop hardis et ralenti le rythme des mises en chantier.

En mars, devant la faiblesse persistante de l'économie, la Banque a pu diluer encore son message en affirmant: «Comme l'économie canadienne continue d'afficher des capacités inutilisées, que les perspectives en matière d'inflation sont modérées et que l'évolution des déséquilibres dans le secteur des ménages est plus constructive, la détente monétaire considérable en place actuellement demeurera probablement appropriée pendant un certain temps, après quoi une réduction modeste sera probablement nécessaire.»

Les deux «probablement» dans la même phrase se neutralisent l'un et l'autre au point où certains spéculateurs se sont remis à parier sur une baisse de taux, ce qui ne sera pas le cas ce printemps.

Si elle devait survenir, elle sera décrétée par le successeur de M. Carney qui a toujours recherché une normalisation du taux directeur.

Une baisse du taux cible de financement à un jour aurait peut-être pour effet bénéfique d'affaiblir momentanément le huard, dont la force nuit aux exportateurs canadiens.

Ce faisant, la Banque entrerait à son tour dans la guerre larvée des devises que se livrent les autorités monétaires de plusieurs pays. M. Carney a toujours prêché en faveur de taux de change flottants.

Le huard avait d'ailleurs commencé à fléchir face au billet vert depuis le début de l'année. Plusieurs le voyaient glisser jusque vers 95 cents US d'équivalence. Le déficit du compte courant canadien justifiait cette dépréciation, tout comme la faiblesse relative des prix des matières premières, et du pétrole canadien en particulier.

C'était toutefois sans compter sur le changement de cap de la Banque du Japon qui fait désormais tourner à plein sa planche à billets dans le but d'affaiblir le yen, de casser la déflation et de relancer la consommation nationale. Les détenteurs de yens les troquent contre d'autres monnaies, dont la nôtre.

Cela ralentit le rajustement du huard, neutralise toute pression inflationniste au pays et oblige la Banque du Canada à demeurer en touche durant plusieurs trimestres encore, à moins que n'éclate une autre crise financière ou que notre économie ne rechute en récession. Deux scénarios heureusement peu probables.