Un an après l'importante pénurie de médicaments provoquée par des problèmes à l'usine de Sandoz de Boucherville, les choses en sont toujours au même point au Québec. Malgré quelques initiatives timides, les ruptures de stock sévissent toujours, obligeant les pharmaciens à jongler pour trouver des médicaments de remplacement.

«Nous sommes aussi vulnérables que l'an dernier, déplore Diane Lamarre, présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Les ruptures de stock sont devenues un mode de fonctionnement normal, et ça, ce n'est pas normal.»

En février 2012, une pénurie sans précédent avait provoqué une crise dans tout le réseau hospitalier québécois. Incapable de se conformer aux normes de l'industrie, victime d'un incendie de surcroît, l'usine Sandoz de Boucherville avait dû interrompre sa production.

Résultat: plus de 250 médicaments avaient manqué, dont plusieurs difficiles à remplacer. En date d'hier, 96 produits de Sandoz figuraient toujours sur les listes de médicaments en rupture de stock.

L'affaire avait amené de nombreuses associations professionnelles à émettre des recommandations pour que pareil cauchemar ne se reproduise plus.

Parmi celles-ci, médecins et pharmaciens avaient réclamé que Santé Canada oblige les fabricants de médicaments à produire sur plusieurs sites et à s'approvisionner en matières premières auprès de plusieurs fournisseurs.

La Chambre des communes avait même adopté une motion pour obliger les fabricants à rapporter plus rapidement les interruptions de production.

Un an plus tard, pourtant, rien de cela n'est en place.

Jean-François Bussières est chef du département de pharmacie de l'hôpital Sainte-Justine et président du comité des pharmaciens de SigmaSanté, le plus grand groupe d'achat de médicaments au Québec. Il travaille actuellement à documenter ce qui a été fait depuis l'épisode Sandoz.

«Notre analyse n'est pas terminée, mais il semble y avoir peu de progrès à première vue», dit-il.

Quelques initiatives ont quand même été mises en place. De façon volontaire, les fabricants tiennent maintenant un site web qui documente les pénuries de médicaments. Ce site est cependant jugé «incomplet» par Jean-François Bussières, de SigmaSanté, notamment parce que certaines pénuries n'y figurent pas.

Santé Canada n'a pas été en mesure d'indiquer hier si elle entend légiférer pour obliger les fabricants de médicaments à changer leurs pratiques. En août 2012, un comité coprésidé par Santé Canada et regroupant des représentants de l'industrie et des professionnels de la santé a été créé et il continue ses travaux.

«Le gouvernement du Canada suit de près les efforts volontaires actuellement déployés par l'industrie [...] tout en évaluant l'ensemble des autres options visant à fournir au système de soins de santé l'information dont il a besoin en temps aussi opportun que possible», a fait savoir l'organisme dans une note envoyée à La Presse Affaires.

Québec a aussi mis en place une «cellule de crise» pour faire circuler l'information lors des pénuries majeures. Vantée par l'Ordre des pharmaciens du Québec, cette cellule peut être réactivée très rapidement au besoin, a expliqué le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Les pénuries, pendant ce temps, se poursuivent. L'une des plus importantes à frapper actuellement est celle provoquée par des problèmes chez Hospira, une entreprise américaine dans la mire des autorités réglementaires pour des violations aux normes de production.

Au Canada, près de 50 produits sont touchés. «Nous continuons à prioriser la fabrication des médicaments les plus critiques, ceux qui sauvent des vies», a fait savoir à La Presse Affaires Daniel Rosenberg, porte-parole d'Hospira, expliquant que l'entreprise travaille «étroitement» avec Santé Canada pour minimiser les impacts.