Le distributeur pharmaceutique McKesson, propriétaire des bannières Proxim, vient d'acheter et de rouvrir sous un autre nom des cliniques qui ont violé la Loi sur l'assurance maladie à plus de 400 reprises l'an dernier.

Le Collège des médecins s'inquiète, et la Régie de l'assurance maladie (RAMQ) a entrepris des discussions avec la société pour déterminer si son nouveau modèle d'affaires respecte la loi. Ils veulent entre autres s'assurer que les patients n'auront pas à débourser des frais illégaux.

Les cliniques MedSync ont fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années. L'entreprise a fait la manchette à partir de 2010 pour avoir offert à ses patients l'accès à un médecin de famille, à condition de se faire faire préalablement un bilan de santé s'élevant à plusieurs centaines de dollars.

Les analyses étaient menées dans les laboratoires Life Labs, associés à MedSync.

La Presse a appris, grâce à la Loi sur l'accès à l'information, que la RAMQ a retenu 415 plaintes de frais illégaux facturés par quatre cliniques MedSync, situées à Laval, Greenfield Park, Châteauguay et Montréal, en 2011.

Ces cliniques ont généré, à elles seules, plus de la moitié des 727 remboursements de frais indûment facturés l'an dernier. La RAMQ a contraint MedSync à rembourser les sommes perçues.

Yves Legault, propriétaire de MedSync, a vendu l'an dernier ses cliniques à McKesson Services de gestion de santé, qui appartient à McKesson Canada, le plus grand distributeur de médicaments du pays. En novembre 2011, les cliniques MedSync ont fermé leurs portes.

Yves Legault est aujourd'hui vice-président et directeur général de McKesson Services de gestion de santé.

Il arrive souvent que des cliniques soient situées dans le même immeuble que des pharmacies. Souvent, ces pharmacies sont propriétaires de l'immeuble. Les médecins doivent alors payer un bail qui respecte les prix du marché. Le fait qu'un grossiste de la taille de McKesson soit l'actionnaire d'une clinique est toutefois inédit.

À l'inverse, un médecin ne peut pas détenir de participations dans une pharmacie.

Nouveau modèle d'affaires

Deux nouvelles cliniques viennent tout juste d'ouvrir dans les anciens locaux des cliniques MedSync de Laval et de Saint-Bruno-de-Montarville. Elles ont été baptisées Huma+.

Les médecins seront rémunérés par le régime public de la RAMQ. Ils auront sous leur supervision d'autres professionnels de la santé comme des infirmières, des nutritionnistes ou des physiothérapeutes. Mais ces derniers services seront privés.

On vise une «approche multidisciplinaire», même si le patient aura ultimement le choix d'aller dans le réseau public. McKesson mise sur le fait que les patients choisiront de payer pour les services de ses professionnels.

«On a rebâti totalement un nouveau modèle thérapeutique, un nouveau modèle d'affaires, soutient Yves Legault. Notre objectif, c'est de créer une clinique dont l'efficacité est inégalée... Une efficacité qu'on va chercher avec un flow très amélioré dans la gestion du patient et de ses rendez-vous, de ses pathologies chroniques et surtout dans l'amélioration aux soins.»

Craintes

Le syndic du Collège des médecins, dont le rôle est de protéger le public, a déposé l'an dernier huit chefs d'accusation contre le Dr Raynald Rioux, qui pratiquait au sein du groupe de cliniques MedSync.

Le syndic estime que l'association du médecin avec MedSync, qui faisait réaliser des examens préalables standardisés à des patients «symptomatiques ou non», comportait des «risques injustifiés» et représentait «un risque de compromission du système d'accessibilité aux soins de santé en raison d'une relation inadmissible de l'intimé avec une compagnie faisant des profits grâce à ce partenariat». Cette cause sera entendue au printemps devant le conseil de discipline.

M. Legault a précisé que le Dr Rioux n'était pas associé aux cliniques Huma+.

N'empêche, le président du Collège, le Dr Charles Bernard, a prévenu le syndic pour s'assurer que, cette fois, tout sera fait en accord avec le code de déontologie. «Ça nous inquiète, on a fait des enquêtes sur MedSync et on a trouvé des choses pas correctes. C'est pour cela qu'on est allés au conseil de discipline.»

Les médecins sont des travailleurs autonomes. Ni le ministère de la Santé, ni la RAMQ, ni le Collège des médecins n'auraient juridiction pour décider qui peut posséder une clinique.

«Nous, ce que l'on va vérifier, c'est les médecins qui vont y pratiquer. Il ne faut pas que le médecin soit en conflit d'intérêts, il ne faut pas qu'il reçoive de ristournes, il ne faut pas qu'il fasse de dirigisme et il ne faut pas qu'il obtienne un bail au rabais», dit le Dr Bernard.

La RAMQ a aussi mené une enquête sur les cliniques MedSync, dont les conclusions seront bientôt rendues publiques.

«Je peux vous dire qu'on a des discussions en cours avec McKesson relativement à ce nouveau modèle d'affaires, a affirmé Marc Lortie, directeur des communications à la RAMQ. Je ne parle pas du fait qu'ils deviennent propriétaires de cliniques, je parle du modèle d'affaires qui va y exister. On veut en savoir plus. Ça va être quoi exactement? C'est en lien, évidemment, avec ce qui est arrivé avec MedSync.»

M. Legault a refusé de commenter le nombre élevé de demandes de remboursement à la RAMQ, ni même de parler de ses anciennes cliniques. «MedSync n'existe plus, on parle d'une organisation qui n'est plus en vie, alors ces plaintes-là n'existent plus. Ce n'est plus du tout contemporain. Je ne parle pas au nom de MedSync», a-t-il déclaré.

Demandes de remboursement à la RAMQ pour frais accessoires illégaux: les cliniques fautives:

MedSync (Greenfield Park, Laval, Châteauguay, Montréal): 415

- Pour avoir fait payer les patients pour un bilan de santé en échange d'un médecin de famille.

> Rockland MD clinique médicale (Ville Mont-Royal) : 52

- Vente de forfaits santé ou d'autres frais accessoires illégaux qui variaient de 250$ à 18 750$, notamment pour des opérations bariatriques.

> Bellevue Ophtalmologie (Montréal) : 31

- La clinique a fait payer des patients pour un examen d'investigation déjà assuré par le gouvernement.

> Club Tiny Tots(Côte Saint-Luc) : 26

- La clinique pédiatrique a exigé des frais pour l'ouverture de dossiers électroniques. Malgré les remboursements, la clinique n'a pas encore corrigé le tir et des vérifications additionnelles sont prévues bientôt, selon la RAMQ.

> Nombre de demandes de remboursement pour frais accessoires illégaux en 2011: 3632

> Nombre de demandes acceptées par la RAMQ en 2011: 745

> Sommes remboursées aux patients: 526 686$

Source: RAMQ, demande d'accès à l'information

Que sont les frais accessoires

Les frais accessoires sont des frais associés à des services assurés par le régime d'assurance maladie, mais qui peuvent exceptionnellement être facturés aux patients.

Des ententes entre le gouvernement et les fédérations de médecins prévoient que les médecins qui pratiquent en clinique peuvent obtenir des compensations pour le coût des médicaments, des agents anesthésiants, des plâtres, de l'azote liquide ou des stérilets.

Certains frais accessoires sont carrément illégaux. Les sommes perçues pour être membre d'une «coopérative de santé» afin d'obtenir un médecin de famille, les frais perçus pour l'ouverture d'un dossier médical ou une consultation obligatoire avec une infirmière avant d'avoir accès à un médecin en sont des exemples.