La Banque du Canada s'inquiète maintenant moins de l'endettement élevé des ménages que des signes de ralentissement de l'économie canadienne. C'est la raison pour laquelle elle a maintenu son taux directeur à 1% et qu'il restera aussi bas «pendant un certain temps».

Le changement de ton des autorités monétaires était peut-être imperceptible au commun des mortels, mais il n'a pas échappé à ceux qui se sont fait une spécialité de décoder ses messages.

Habituellement, les propos de la Banque du Canada ne changent pas beaucoup d'un rapport à l'autre, mais son message d'hier réservait une surprise.

«Il y a un changement majeur par rapport à la décision précédente, en janvier», a expliqué Paul-André Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale du Canada.

La Banque centrale a reconnu clairement hier que le ralentissement de l'économie canadienne est préoccupant. Son communiqué fait état des «capacités excédentaires notables au sein de l'économie canadienne».

C'est le mot «notables» qui est surprenant et important parce qu'il tranche avec le discours précédent de la banque centrale, précise l'économiste de la Nationale.

Il en déduit que l'état de santé de l'économie canadienne a pris le pas sur l'endettement des ménages parmi les préoccupations des autorités monétaires, ce qui repousse encore l'éventualité d'une hausse des taux d'intérêt au Canada.

La Banque du Canada évoque quand même la possibilité d'une hausse des taux, mais dans des termes encore plus vagues que la dernière fois. «La détente monétaire considérable en place actuellement demeurera probablement appropriée pendant un certain temps, après quoi une réduction modeste sera probablement nécessaire», dit la banque centrale.

«C'est la deuxième fois que la banque dilue son intention d'augmenter les taux», souligne Benoit P. Durocher, économiste principal de Desjardins. Dans son message de janvier, la Banque parlait d'une hausse de taux «moins imminente». Hier, c'était une éventualité qui deviendra «probablement nécessaire».

Le spécialiste de Desjardins pense que la mention d'une éventuelle hausse de taux disparaitra probablement lors de son prochain message, le 17 avril.

«C'est probablement la prochaine étape», dit l'économiste, qui croit aussi que la Banque du Canada révisera à la baisse sa prévision de croissance pour l'économie canadienne en 2013.

Les autorités monétaires prévoient toujours une croissance de 2% cette année et de 2,7% en 2014.

De telles prévisions sont considérées comme un peu trop optimistes par les marchés, parce que les perspectives économiques se sont détériorées. La plupart des économistes du secteur privé estiment que l'économie canadienne croîtra à un niveau inférieur à 2% en 2013.

Desjardins, par exemple, prévoit que le rythme de croissance de l'économie sera plutôt de l'ordre de 1,5% en 2013. L'investissement résidentiel est en baisse, les gouvernements provinciaux surveillent leurs dépenses et la croissance des investissements privés ralentit. «Il y a moins de supports pour la croissance», résume Benoit P. Durocher.

Le taux directeur de la Banque du Canada n'a pas bougé depuis deux ans et demi. La décision d'hier de le maintenir à son niveau aussi bas et surtout le nouveau report d'une hausse des taux d'intérêt a fait vaciller le dollar canadien sur les marchés des changes. Le dollar a reculé sous les 97 cents US en cours de séance, et il a fini la journée à 96,95 cents, en baisse de 33 centièmes.

Dette moins inquiétante

Même si le ministre des Finances, Jim Flaherty, s'est inquiété encore cette semaine de la hausse de l'endettement des ménages et de la baisse des taux hypothécaires qui risque d'encourager cette augmentation, les autorités monétaires ne partagent pas la préoccupation du ministre.

Dans son communiqué d'hier, la Banque du Canada souligne que l'augmentation de l'endettement des ménages n'est plus aussi préoccupante et que la situation évolue dans la bonne direction.

«La Banque s'attend à ce que le taux d'accroissement tendanciel des crédits aux ménages fléchisse encore, le ratio de la dette au revenu se stabilisant près des niveaux actuels», observe-t-elle.

De tels propos qui contrastent avec ceux du ministre des Finances expliquent peut-être que la Banque du Canada laisse la porte ouverte à une hausse des taux d'intérêt. «Elle indique ainsi aux marchés qu'ils ne peuvent pas espérer une baisse de taux», décode Paul-André Pinsonneault, de la Banque Nationale.