Ce n'était pas le plan initial de Bell de vendre 12 des 25 chaînes de télé d'Astral. Ni même le plan B.

Quand Bell et Astral ont présenté confidentiellement leur deuxième projet de transaction au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en novembre dernier, Corus n'achetait pas sept chaînes de télé détenues en copropriété et deux stations de radio pour 400 millions de dollars. Entre novembre et février, Bell a négocié confidentiellement les détails de la transaction avec le Bureau de la concurrence, comme le veut la procédure habituelle de l'organisme. Résultat: en janvier, le téléphone a sonné chez Corus, qui cherchait justement à faire son entrée en solo au petit écran francophone (Corus détenait déjà les chaînes TÉLÉTOON à 50% avec Astral).

«C'était dans l'intérêt de Bell de garder le plus d'actifs possible, mais quand c'est devenu clair que Bell devait se départir de plus d'actifs que prévu, nous avons été capables de prendre avantage de certains droits dans nos conventions de partenariat, dont un droit de premier refus sur le 50% de TÉLÉTOON», dit John Cassaday, président et chef de la direction de Corus Entertainment, en entrevue à La Presse Affaires.

Bell n'a pas dévoilé les changements apportés à sa proposition d'achat d'Astral entre son plan B déposé au CRTC en novembre et la version approuvée lundi par le Bureau de la concurrence. Dans son communiqué, l'entreprise a seulement indiqué que la «nouvelle demande de Bell avait été déposée au CRTC le 19 novembre et modifiée par la suite pour refléter la vente d'autres actifs».

Peu importe leur teneur exacte, les tractations entre le Bureau de la concurrence et Bell-Astral ont fait l'affaire de Corus, qui a acheté l'autre moitié des chaînes TÉLÉTOON et Cartoon Network. Corus a aussi acheté la participation de 50% de Shaw dans Historia et Séries" pour racheter ensuite la participation d'Astral dans ces deux chaînes. Ajoutez deux stations de radio à Ottawa et la facture totale monte à 400 millions. (Ce n'est pas la première fois que Corus s'intéresse à Astral: selon nos informations, Corus aurait été au nombre de prétendants battus par Bell à l'hiver 2012. Corus n'a pas confirmé ces informations.)

«Nous voulions une occasion de générer de la croissance, dit John Cassaday. C'est une occasion de profiter de nos aptitudes en télé. Le marché publicitaire au Québec a été très positif pour la télé spécialisée depuis quelques années. Chaque fois que l'on introduit du sang neuf, il y a un effet positif. Le jeu de tout le monde s'améliore.» C'est aussi l'avis de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. «Pour les producteurs, plus il y a de portes auxquelles cogner, mieux c'est», dit la PDG Claire Samson.

Corus, dont le siège social est à Toronto, n'avait plus d'actifs médiatiques au Québec (mis à part ses 50% dans TÉLÉTOON) depuis la vente de ses stations de radio (dont le 98,5 FM) à Cogeco pour 80 millions en 2011. Mais John Cassaday se défend d'avoir «quitté le Québec». «C'est plutôt le marché qui ne permettait pas d'avoir trois acteurs nationaux en radio en raison du statut dominant d'Astral, dit-il. À trois, nous donnions un trop gros avantage à Astral. Nous avons reçu une offre de Cogeco et nous l'avons acceptée. Ça n'a rien à voir avec le Québec: nous aurions été dans la même situation commerciale à Edmonton et nous aurions fait pareil...»

Les sceptiques seront confondus

Corus a l'intention de faire mentir ses détracteurs, sceptiques de ses chances de succès au petit écran québécois. «Nous comprenons le Québec et nous sommes bons pour assembler des contenus, ici comme à l'international, dit John Cassaday. Au Québec, nous sommes propriétaires de Toon Boom Animation, qui vend des logiciels d'animation partout dans le monde. Nos programmes avec KidsCo [dont Corus est actionnaire minoritaire] sont vendus dans 100 pays et plusieurs langues. Nous vendons du contenu en France tous les jours [avec Nelvana, son producteur d'émissions pour enfants].»

Si la transaction est approuvée par le CRTC, Corus ouvrira un bureau au Québec. «Les décisions sur le choix des programmes, le marketing, les ventes publicitaires, les relations avec les distributeurs continueront de se prendre au Québec», dit John Cassaday, qui dit avoir négocié les derniers détails de l'entente avec Bell jusqu'à lundi dernier.