Quelques heures à peine après avoir prononcé son discours sur l'état de l'Union, le président des États-Unis, Barack Obama, a lancé hier, conjointement avec les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso, la négociation d'un Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI).

Les travaux pour créer un espace de libre-échange de quelque 820 millions d'habitants commenceront l'été prochain, le temps que les États-Unis se trouvent un négociateur en chef.

Notre grand voisin est aussi engagé dans la négociation du Partenariat transpacifique (PTP) avec quelques grandes puissances d'Asie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. L'objectif est de se rapprocher des visées d'un accord de libre-échange que l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) avait fixé pour 2020... en 1994. À l'époque, le premier ministre Jean Chrétien visait même 2010 pour les plus industrialisés des 18 pays membres de l'APEQ.Évidemment, il n'en est rien encore.

Malgré la volonté américaine d'agir rapidement sur ces deux fronts océaniques, on peut imaginer que les négociations seront très difficiles.

Tant en Europe qu'aux États-Unis, les réflexes protectionnistes sont nombreux, notamment en ce qui concerne les subventions à l'agriculture, le respect des appellations d'origine, la durée des brevets et, pour les États-Unis surtout, la sacro-sainte question de la sécurité.

C'est l'échec de la ronde de Doha en vue d'étendre à l'agriculture et à la propriété intellectuelle les règles libérales de l'Organisation mondiale du commerce qui pousse les pays à multiplier les chantiers d'accords de libre-échange bilatéraux.

Le Canada n'est pas en reste. Il a conclu des accords avec le Chili, le Costa Rica, Israël, la Norvège, le Pérou et la Suisse.

Dès qu'il se frotte à de plus gros ensembles économiques, les négociations paraissent toutefois plus difficiles.

En font foi les négociations amorcées en 2009 avec l'Union européenne en vue d'un Accord économique et commercial global (AECG) dont l'échéance avait été d'abord fixée en 2011, puis pour la fin 2012, et pour lequel il reste encore beaucoup d'embûches à surmonter.

En font foi aussi les négociations avec la Corée du Sud qui traînent depuis des années.

Si le Canada a aussi ouvert des pourparlers avec le Japon, l'Inde et Singapour, il n'a encore conclu aucun accord avec une puissance du Pacifique, la région qui croît le plus vite. Or, les États-Unis sont déjà liés par de telles ententes avec la Corée du Sud, Singapour et l'Australie, ce qui leur offre des avantages sur les exportateurs canadiens, encore soumis à des tarifs douaniers élevés. En 2012, la valeur de nos échanges internationaux a diminué de 9,9% et le déficit commercial a atteint 12 milliards.

Comme le fait remarquer Douglas Porter, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux, il ne faut pas chercher bien longtemps l'explication: la valeur des importations américaines a diminué de 2,3% l'an dernier.

Si le marché américain a déjà donné ses meilleurs fruits, que celui européen tarde à s'ouvrir davantage, il faut accélérer les efforts pour percer celui d'Asie.

La participation acquise aux négociations du PTP est un bon pas, mais il s'agit d'un long processus.

Dans Securing Canada's Place in Asia (garantir la place du Canada en Asie), un rapport remarquable réalisé en août dernier pour la Fondation Asie-Pacifique par Don Campbell, Paul Evans et Pierre Lortie, on propose une démarche stratégique qui va beaucoup plus loin que des accords bilatéraux, bien que ceux-ci restent essentiels et urgents à conclure, avec la Corée du Sud en premier lieu.

Les auteurs proposent d'élargir les pourparlers pour y inclure toutes les parties prenantes aux échanges: entreprises, associations, universités. Cela est susceptible de déboucher sur une foule d'ententes et de réseaux d'échange.

«Le plus grand défi du Canada avec les institutions régionales asiatiques est de se fixer des objectifs clairs et d'y allouer les ressources suffisantes afin de devenir un joueur notable sur un terrain de jeu, parfois confondant, souvent frustrant et toujours changeant», écrivent-ils.

Si les États-Unis et l'Australie y parviennent, pourquoi pas nous?

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LES ÉCHANGES AVEC L'EUROPE EN BREF

Valeur annuelle des échanges commerciaux

> États-Unis et Union européenne: 1000 milliards

> Canada et Union européenne: 100 milliards

Population

> Union européenne (27 pays): 503 millions d'habitants

> États-Unis: 315 millions d'habitants

> Canada: 35 millions d'habitants

Taille des économies (PIB de 2011, en dollars courants américains)

> Union européenne: 17 577 milliards

> États-Unis: 15 100 milliards

> Canada: 1736 milliards

Sources: Statistique Canada, Eurostax, FMI