Tandis que neige et poudrerie faisaient rager piétons et automobilistes, hier, un triplé de mauvaises statistiques est venu confirmer que l'économie canadienne s'embourbe.

D'abord, après six mois de gains d'affilée, le marché du travail s'est légèrement contracté en janvier. Les données de l'Enquête sur la population active (EPA) de Statistique Canada font état de la perte de 21 900 emplois, tous à temps plein de surcroît. En y regardant de plus près, les résultats sont pires encore: 27 000 suppressions nettes dans le secteur public et 18 800 dans le secteur privé ont été en partie compensées par 23 900 personnes de plus qui se sont déclarées travailleurs autonomes. Beaucoup d'autres (57 500) ont choisi de quitter les rangs de la population active. Cela a fait reculer d'un cran le taux de chômage à 7,0%, un chiffre qui fait mirage, mais surtout de trois dixièmes le taux d'emploi à 61,9%, qui marque mieux la détérioration du marché du travail.

Ensuite, le commerce international de marchandises a enregistré un neuvième déficit d'affilée. La chute annuelle de 9,9% des exportations canadiennes aboutit à un déficit commercial de près de 12 milliards pour l'ensemble de 2012, un creux historique. La force du huard et la faiblesse de la demande mondiale affectent les exportateurs canadiens, en particulier les manufacturiers. L'emploi en usine a d'ailleurs reculé de 21 600 postes d'un océan à l'autre, en janvier, dont 16 100 au Québec, qui profite peu de l'élan de l'industrie automobile. Le taux de chômage a quand même reculé au Québec à 7,1%, tandis que le taux d'emploi s'est maintenu à 60,7%, grâce à l'ajout de 5500 postes à temps plein, un chiffre trop petit pour être significatif.

Enfin, le nombre de mises en chantier a chuté à quelque 160 000 unités le mois dernier. Même si le grand froid peut expliquer en partie ce pire score depuis juillet 2009, la chute de 11,2% de la valeur des permis de bâtir émis en décembre présage d'une baisse encore à venir du nombre de chantiers résidentiels.

On doit s'attendre aussi à une correction de l'emploi dans cette industrie dont l'effectif a pourtant grossi en janvier, selon les données volatiles de l'EPA.

Les chiffres sur l'emploi et les mises en chantier allaient depuis plusieurs mois à contre-courant des autres grands indicateurs économiques qui pointaient vers une rapide décélération de l'expansion. Ainsi, on pouvait difficilement expliquer qu'il y ait eu 184 000 embauches d'août à décembre alors que la croissance économique annualisée a été contenue à 0,6% au troisième trimestre et sans doute aux environs de 1% seulement durant l'automne.

Le repli de janvier annonce à tout le moins le ralentissement du rythme d'embauches tant dans le secteur public, alors que les gouvernements se sont tous mis en mode austérité, que dans le secteur privé où le rythme d'investissements ralentit. En fait foi le sixième repli mensuel d'affilée des importations de machines, de matériel et de pièces industriels. En un an, le recul atteint 9,4%, celui des pièces électriques et électroniques, 7,1%.

Il est bien possible que les entreprises aient ralenti leurs achats d'équipement cet automne devant l'incertitude créée par les débats stériles du Congrès au sujet du mur budgétaire et fiscal américain.

L'industrie pétrolière ralentit les siens en raison de l'engorgement pipelinier qui complique ses expéditions au sud de la frontière, où la production grandissante de pétrole de schiste au Dakota lui fait désormais rude concurrence.

La correction prévisible du marché du travail signifie aussi que la demande intérieure aura moins de tonus au cours des prochains mois.

Heureusement, chez nos voisins, les signes d'une accélération de la croissance se multiplient. Les chiffres de l'emploi s'améliorent, tandis que les commandes en carnet, tant dans le secteur des biens que des services, augmentent.

Il restera aux exportateurs canadiens à tirer parti de cette situation, même avec une monnaie forte, qui a néanmoins abandonné près d'un demi-cent sur ce triplé de mauvais chiffres.