La raréfaction prochaine des obligations du gouvernement canadien va pousser les investisseurs étrangers à acquérir davantage de titres des provinces. Cela va permettre au Québec de se financer à des taux encore avantageux, même si les coupons des titres fédéraux devaient augmenter.

L'an dernier, les étrangers ont fait des investissements de portefeuille (achats d'actions et d'obligations) de quelque 93 milliards de dollars, autant que l'année précédente. C'est l'équivalent de 5% de la taille de l'économie canadienne.

Cet engouement fait baisser les taux d'intérêt des obligations canadiennes ou, à tout le moins, ralentit leur remontée dans un contexte d'appétit accru des investisseurs pour les placements plus risqués.

L'an dernier, les non-résidants détenaient 146 des 405 milliards de la dette fédérale aux mains du public, selon une compilation faite par la Banque Nationale. Fin 2008, c'était seulement 37,8 milliards.

De 2008 à 2012, la valeur des obligations provinciales détenues par les étrangers est passée de 107 à 150 milliards.

Cette année et l'an prochain, quelque 52,5 milliards d'obligations fédérales rattachées au Programme d'achat de prêts hypothécaires viendront à échéance. Ce programme avait été lancé dans la foulée de la crise financière de 2008 pour garantir aux banques des liquidités alors que les marchés d'emprunt étaient pratiquement fermés au secteur privé.

«Le gouvernement devrait utiliser une bonne partie de cette ressource financière pour abaisser son endettement, estime Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale. Par la suite, le gouvernement fédéral prévoit le retour à l'équilibre budgétaire en 2016-2017, ce qui devrait stabiliser son endettement.»

Une partie de cette ressource devrait aussi servir à provisionner le Fonds prudentiel de liquidités mis sur pied par Ottawa en 2011-2012. Il s'agit d'une cagnotte qui devrait valoir 35 milliards en 2013-2014 et qui est destinée à faire face aux obligations de fonds de roulement, du service et du refinancement de la dette pendant un mois. Cela est conforme aux recommandations de la Banque des règlements internationaux (Accords de Bâle III).

Cette cagnotte empruntée est déposée à la Banque du Canada. «On doit s'attendre en vertu de cette politique que le bilan de la Banque se gonfle de 25 milliards d'ici 2014-2015», indique Charles St-Arnaud, économiste chez Nomura.

Au net, l'appétit des étrangers pour de la dette canadienne favorisera les provinces, à commencer par l'Ontario qui sera le plus grand émetteur d'ici les cinq prochaines années, suivie par le Québec.

Cela va se refléter par un resserrement des écarts de taux entre les obligations fédérales et provinciales de même échéance.

Ainsi, Québec a vendu à la mi-janvier une tranche de 500 millions de son obligation venant à échéance en 2043. La province a consenti un taux de 3,597%, soit 110 centièmes de plus que l'obligation canadienne de même échéance. Le 21 décembre, elle en avait vendu une autre tranche au taux de 3,543%, qui reflétait toutefois un écart de 121,5 centièmes par rapport à la canadienne, rappelle Jean-François Godin, vice-président et analyste principal des marchés chez valeurs mobilières Desjardins.

On le voit, même si les taux canadiens augmentent, ceux des obligations provinciales ne progressent pas d'autant. La demande étrangère accrue permet aux provinces d'emprunter à des taux enviables.