Une heure de plus dans le bouchon à cause des précipitations de neige? Combien ont imploré, au volant, leur patron de les laisser travailler de la maison, lors de la prochaine bordée? Au Québec, lentement, des entreprises adoptent une politique de télétravail.

«Nos employés surveillent la météo, raconte François Cliche, vice-président ressources humaines de Telus Communications. Quand ça s'annonce mauvais, ils partent le soir avec leur ordinateur portatif.»

Depuis 2005, Telus favorise le travail de la maison. «J'ai des enfants, je suis mère seule, mon amoureux vit à Québec et j'ai une équipe de travail dispersée de Rimouski à Montréal, raconte Marie-Josée LeBlanc, directrice marketing, marché PME, de Telus. Pouvoir travailler de la maison diminue le stress.»

Cette résidante de la banlieue sud de Montréal se permet de quatre à cinq jours de télétravail par mois. «Parfois, je travaille de Québec, dit Mme Leblanc. J'encourage aussi le télétravail dans mon équipe. Quelqu'un qui est malade, par exemple, récupère plus vite... et ne contamine pas tous ses collègues!»

Chez Telus, l'offre de travailler de la maison provient de l'employeur. «Vous ne pouvez pas imaginer l'impact qu'on a en entrevue quand on parle de notre politique! souligne François Cliche. C'est bon pour attirer les candidats et les retenir.

«Notre objectif est de toucher 70% des emplois en 2015, ajoute M. Cliche. Évidemment, en boutique, les employés doivent être présents. Autrement, notre politique touche tous les secteurs: ressources humaines, marketing, finance, communications...»

Des entreprises attirantes

Selon un sondage réalisé par Harris/Decima en 2010, 89% des employés croient qu'une entreprise qui offre des modalités de travail flexibles est plus attirante qu'une autre. Parallèlement, moins de 20% des entreprises ici ont mis en place une telle politique.

«Fonctionner en télétravail est une méthode qui s'acquiert, dit François Cliche. On offre énormément de formation et d'outils pour que les gestionnaires s'assurent de la collaboration des membres de leur équipe et pour qu'ils soutiennent psychologiquement ceux qui sont en permanence à la maison, par exemple. Il a fallu six ans pour implanter le programme, car ça prend un certain nombre de conditions. Physiquement, il faut modifier l'espace de bureau. Là, on a des espaces partagés plutôt qu'isolés.»

Voilà un autre avantage pour l'entreprise de favoriser le télétravail, quand le secteur dans lequel on évolue le permet. Si l'employé peut aimer le télétravail pour des raisons de conciliation travail-famille, de temps gagné dans la circulation, d'argent économisé dans l'achat de lunchs, l'employeur peut y voir une économie en location d'espace de bureaux.

Une grande entreprise comme IBM dit pouvoir épargner 150 millions de dollars par an dans la réduction de ses espaces locatifs en favorisant le travail mobile. «Sur nos 400 000 employés, 40% sont formellement désignés comme étant mobiles, dit Bruce Dow, associé de IBM. Donc 160 000 d'entre eux n'ont pas de bureau assigné. À nos bureaux, nous n'avons plus des cubicules avec de hauts murs, mais des espaces collaboratifs.

«Dans le modèle d'affaires traditionnel, les cubicules sont vides de 40% à 60% du temps, ajoute Bruce Dow. Aujourd'hui, quand nous aménageons de nouveaux espaces, on se demande quel sera le ratio de partage: 100 bureaux pour 150, 200 ou 300 personnes? À Toronto, nous sommes passés de trois à deux adresses. Et le nombre de gens a augmenté, alors que nous avons réduit l'espace de 40%! À Montréal, on a huit étages consacrés au travail mobile.»

Des entreprises comme Telus et IBM ont plus de facilité à devenir mobiles. «Il y a un peu de résistance culturelle, estime François Cliche. Certains gestionnaires ne sont pas à l'aise avec le télétravail pour des questions de suivi de performance et de communication. Mais je pense qu'on le considère de plus en plus. Dans le contexte actuel de rareté de main-d'oeuvre, imaginez le poids de cette mesure. Si on a la possibilité de le faire, il faut y penser. Ça démontre qu'on est une entreprise à la fine pointe.»

«Dès qu'un employé a vécu le télétravail, il ne veut pas retourner à l'autre modèle, dit Bruce Dow. Il ne remplacerait pas le télétravail contre une prime. Et quand c'est bien fait, le client ne devrait même pas voir la différence, car peu lui importe où on se trouve. Ça pousse aussi les employés à faire les bons choix pour être le plus efficaces possible dans leur journée. Mais le gestionnaire est appelé à avoir d'autres outils, pour que ses employés puissent se connecter. Car il y a 10 ans, j'aurais simplement passé ma tête dans le cubicule de l'employé pour lui parler!»

> 17% Entreprises qui ont une politique sur le télétravail

> 48% Travailleurs qui ont droit à une journée par semaine en télétravail

> 7% Travailleurs qui ont droit à trois journées par semaine en télétravail

> 51% Pourcentage de gens qui disent avoir de la difficulté à se concentrer quand ils travaillent à la maison

Sources: Ordre des professionnels en ressources humaines agréés, Regus/Business Confidence Index, Harris/Decima