Le vol de téléphones cellulaires est devenu un véritable fléau. Mais l'industrie du sans-fil ne s'en préoccupe pas assez, ce qui force le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à hausser le ton.

Le CRTC est «insatisfait des réponses» fournies par l'Association canadienne des télécommunications sans fil (ACTS), a écrit le secrétaire général du CRTC, John Traversy, dans une lettre envoyée vendredi dernier au président de l'ACTS, Bernard Lord.

Le CRTC est très préoccupé par la perte ou le vol de téléphones sans fil, particulièrement à cause des enjeux liés à la protection de la vie privée. Avec les nouveaux téléphones intelligents, les appareils contiennent une mine d'informations personnelles.

À la mi-juillet, le CRTC a envoyé une première lettre à l'Association du sans-fil. Le Conseil lui réclamait des statistiques sur le vol de cellulaires au cours des trois dernières années. Il questionnait aussi les fournisseurs sur leurs initiatives visant à protéger les consommateurs, «surtout que l'industrie commence à mettre sur le marché des appareils mobiles qui tiendront lieu de portefeuilles numériques», mentionnait la lettre.

En mai dernier, Rogers Communications et la Banque CIBC ont effectivement annoncé une première initiative de paiement à l'aide du téléphone cellulaire qui devient pratiquement comme une carte de crédit.

Crime violent

Or, le vol de téléphone mobile est en pleine expansion.

«Selon le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), les vols de cellulaires ont bondi de 71% au centre-ville de Montréal entre 2010 et 2011», souligne Maria Mourani, porte-parole du Bloc québécois en matière de sécurité publique.

La députée d'Ahuntsic a déposé un mémoire, en avril dernier, demandant l'intervention du CRTC. Elle y rapportait que des citoyens ont été poignardés à Montréal par des voleurs qui voulaient leur dérober leur téléphone. Les voleurs revendent ensuite le téléphone qui peut facilement être réactivé.

Avec le portefeuille numérique, «ça devient encore plus dangereux. On ne volera plus seulement le cellulaire pour le revendre sur le marché. En plus de ça, on volera votre carte de crédit», déplore Mme Mourani.

Pour éradiquer ces crimes violents, elle veut que les fournisseurs de téléphonie sans fil tiennent un registre des téléphones volés et bloquent ensuite l'activation de ces téléphones.

Plusieurs pays comme l'Australie et le Royaume-Uni disposent déjà d'un tel registre. Les Américains s'apprêtent à emboîter le pas, devant l'ampleur du problème: près d'un vol sur trois perpétré aux États-Unis est un vol d'appareil mobile, précise le CRTC.

Comme les voleurs traversent les frontières, le CRTC a laissé entendre que les fournisseurs canadiens pourraient participer à des initiatives internationales, comme la base de données des numéros d'identité internationaux d'équipement mobile (IIEM).

Mais l'industrie a répondu au CRTC que l'adhésion de ses membres au registre de l'IIEM n'était pas une «option viable». Cette fin de non-recevoir a étonné le CRTC étant donné qu'au moins un grand fournisseur canadien participe déjà à ce registre.

Mesures réglementaires

Le Conseil a accordé un nouveau délai de 60 jours à l'ACTS qui a jusqu'à la fin du mois de novembre pour fournir des réponses adéquates. Sinon, le Conseil évaluera quelles «mesures réglementaires seront nécessaires».

Le CRTC a déjà été forcé d'intervenir pour remettre au pas l'industrie du sans-fil, notamment pour améliorer le service 911 et pour imposer la portabilité des numéros de téléphone d'un fournisseur à l'autre, afin d'accroître la concurrence.

«C'est intéressant de voir que le CRTC met de la pression sur l'industrie en lui disant: nous n'acceptons pas votre inaction», se réjouit Mme Mourani. «Mais je crierai victoire quand on aura une base de données», dit-elle.

Hier, l'ACTS a refusé la demande d'entrevue de La Presse.

Mais l'Association a fait savoir qu'elle «prend très au sérieux le vol et la perte de téléphones mobiles», tout en précisant qu'il n'y a pas de solution simple pour régler le problème.

«C'est un enjeu qui nécessitera beaucoup d'efforts coordonnés de la part des fabricants et de fournisseurs services de téléphonie sans fil», a indiqué le porte-parole de l'ACTS, Marc Choma, dans un courriel. Il ajoute que l'Association a mis en place un comité qui a été très actif au cours des derniers mois. Son rapport a été présenté au conseil d'administration de l'ACTS il y a deux semaines.