« Hallucinant, non ? S'il y avait un labo dans un film de Disney, ça ressemblait probablement à ça.»

Conor Clarke, président de la petite boîte web montréalaise Wavo, travaille en effet dans des locaux qui se classeraient sûrement parmi les plus abracadabrants de la métropole.

Wavo est nichée dans le grenier littéralement de la maison Notman, le quartier général de la communauté web montréalaise.

Après avoir grimpé un vieil escalier qui craque, on y parvient sous un enchevêtrement de poutres de bois où ça sent le chalet. Des bouteilles de bière et de Red Bull vides jonchent le sol. Sur les tables de travail s'empilent ordis portables, gobelets de café, haut-parleurs et pots de sauce piquante.

C'est ici que trois gars dans la vingtaine planchent sur un projet qui ne manque pas d'ambition : détrôner iTunes, l'incontournable logiciel de gestion de musique d'Apple.

Conor Clarke ne présente pas nécessairement les choses comme ça. Pour l'instant, Wavo a développé un réseau social basé sur la musique qui permet notamment de créer des listes musicales, d'y faire contribuer ses amis et de les partager avec eux.

«On amène l'aspect social dans iTunes », explique Conor Clarke.

Sur Wavo, on construit ses listes musicales en allant chercher des pièces déjà présentes sur YouTube ou SoundCloud ou sur les pages de ses amis. L'aspect visuel est particulièrement léché et la vidéo, omniprésente. Wavo permet aussi de commenter les pièces musicales. Les utilisateurs peuvent y accumuler des points si leurs amis apprécient les découvertes musicales qu'ils proposent.

« La plupart des réseaux sociaux qui ont connu du succès Instagram, Facebook, Pinterest laissent l'utilisateur s'exprimer à travers le produit, observe Conor Clarke. Ils laissent la place à la personnalisation. Mais il n'y aucune façon de faire ça avec iTunes. Et la musique est probablement la forme la plus pure d'expression de soi. C'est la façon ultime de s'affirmer, d'afficher publiquement ses goûts et d'être cool.»

L'homme de 26 ans en sait quelque chose. Lui-même est devenu DJ, organisateur de concerts électroniques et blogueur musical justement pour ces raisons.

C'est lorsqu'il a rencontré Gabriel Lespérance que l'idée de Wavo a germé. Lui aussi DJ et organisateur de concerts, mais au sein de la scène francophone montréalaise, Gabriel Lespérance partageait bien des choses avec Conor Clarke. Parmi celles-ci, une insatisfaction due à l'absence de véritable réseau social capable de réunir les fans et les musiciens.

Les deux hommes se sont mis au travail. À l'été 2011, ils ont réussi à se tailler une place dans Founder Fuel, un programme montréalais d'accélérateur d'entreprises qui fournit argent, mentors et bureaux à de jeunes boîtes en démarrage dans l'espoir d'accélérer leur développement.

« Dans notre cas, le programme a fonctionné parfaitement, dit Conor Clarke. Les mentors nous ont conseillés et nous avons réorienté et raffiné notre produit.»

Surtout, Wavo est sortie du programme avec de l'argent, ce carburant indispensable à quiconque veut tester des idées. La boîte a récolté 200 000 $ auprès de Real Ventures, le fonds de capital-risque à l'origine de Founder Fuel, ainsi que d'une poignée d'anges financiers parmi lesquels on compte deux des mentors de Wavo au sein de Founder Fuel.

Question de recruter un programmeur de talent, Wavo a ouvert sa plateforme technologique dans le cadre d'un « hackathon », ces marathons de programmation au cours desquels des informaticiens sont invités à relever des défis et démontrer leurs aptitudes. L'exercice a permis de repérer et recruter le jeune Arlen Stalwick, « le meilleur programmeur en ville», dixit Conor Clarke.

En juillet dernier, le trio derrière Wavo a lancé une version «bêta» de son réseau social. Environ 3000 utilisateurs sont actuellement en train de la tester, fournissant de précieux commentaires à l'entreprise pour peaufiner son produit.

Prochain défi : faire augmenter le nombre d'utilisateurs jusqu'à un niveau «viral ». Puis, éventuellement, casser la baraque et détrôner iTunes.

Wavo

Qui: les fondateurs Conor Clarke et Gabriel Lespérance et le programmeur Arlen Stalwick.

L'idée: un réseau social basé sur la musique qui permet de partager ses découvertes avec ses amis.

L'ambition: remplacer iTunes.

Ils y croient et y ont misé de l'argent: les fonds de capital-risque Real Ventures et Principle Innovation et une poignée d'anges financiers dont David Chamandy, Harry Patz et Jamie O'Hara.