Très insatisfaite de la tenue du marché du travail, la Réserve fédérale américaine (Fed) se lance dans sa troisième ronde d'assouplissement monétaire, prolonge la durée du gel de son taux directeur et prévient qu'elle est prête à faire bien davantage, si la situation ne se redresse pas nettement.

Cette nouvelle offensive tous azimuts a été accueillie avec enthousiasme sur les marchés boursiers nord-américains dont les maîtres indices ont bondi dans les minutes suivant l'annonce.

À New York, les indices S&P500 et Dow Jones ont terminé en hausse respective de 1,6% et de 1,5%. À Toronto, l'indice S&P/TSX a profité d'un sursaut moindre de 1%.

Le dollar américain a en revanche reculé face à la plupart des monnaies tandis que les taux obligataires à long terme ont légèrement augmenté.

Le huard a gagné environ trois quarts de cent et franchi allègrement la barre des 103 cents US. Cela compliquera la tâche des manufacturiers exportateurs déjà éprouvés et, surtout, celle de la Banque du Canada qui n'aura plus guère d'espace pour redresser son taux, comme elle le souhaite, avant bien longtemps.

À raison de 40 milliardsde dollars par mois et tant qu'elle le jugera opportun, la Réserve fédérale va acheter des titres adossés à des créances hypothécaires émis par les organismes parapublics de refinancement Freddy Mac et Fannie Mae. La Fed entend acheter ces titres surtout sur le marché primaire.

Elle prévoit en outre continuer de réinvestir le principal et les intérêts des titres hypothécaires venus à échéance qu'elle détient déjà dans d'autres titres hypothécaires. Ces deux mesures portent à 85 milliards par mois la valeur de ses achats qui visent à infléchir les taux d'intérêt sur les prêts hypothécaires afin de relancer le marché de l'habitation.

Le Comité de politique monétaire de la Fed reporte aussi au moins jusqu'au milieu de 2015 la première hausse de son taux directeur, qui oscille dans une fourchette de 0% à 0,25% depuis décembre 2008. Auparavant, l'engagement courrait jusque vers la fin de 2014.

Enfin, la Fed poursuit l'opération Twist qui consiste à troquer d'ici la fin de l'année des obligations du Trésor venant à échéance à court terme contre d'autres de plus longue échéance afin d'infléchir les taux d'intérêt à long terme.

«Si la perspective du marché du travail ne s'améliore pas nettement, le Comité poursuivra ses achats de titres adossés à des créances hypothécaires émis par des organismes de refinancement hypothécaires parapublics, procédera à des achats supplémentaires d'actifs et utilisera ses autres outils de manière appropriée jusqu'à ce qu'une telle amélioration ait lieu dans un contexte de stabilité des prix», lit-on dans le communiqué.

En conférence de presse, le président de la Fed Ben S. Bernanke a précisé que ces outils étaient de deux types: des variations du bilan de la Fed et des communications ciblées. On spéculait déjà jeudi sur une extension possible de l'opération Twist ou sur une nouvelle initiative d'achat de Treasuries.

La première ronde d'assouplissement avait gonflé le bilan de la Fed de 1150 milliards, la deuxième de 600 milliards. Cette fois-ci, il n'y a pas de limites.

«On peut même qualifier la barre pour arrêter ou même ralentir les nouvelles mesures d'accommodement comme très haute, affirme Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Il faudrait voir une accélération convaincante des embauches et une baisse notable du taux de chômage pour convaincre la Fed de lever le pied de l'accélérateur.»

Le comité a aussi révisé ses prévisions économiques. Pour l'année en cours, l'expansion devrait être contenue dans une fourchette de 1,7% à 2,0% alors qu'en juin, on prévoyait plutôt de 1,9% à 2,4%.

Pour 2013 le rythme d'expansion devrait s'accélérer à au moins 2,5% et, pour 2014, à au moins 3,0%.

Cela repose sur les hypothèses que les mesures annoncées hier auront de l'effet et que la classe politique parvienne à aplanir le mur budgétaire (fiscal cliff) qui se dresse au 1er janvier.

Faute d'entente au Congrès, la Fed se dit déjà prête à rentrer en scène, bien qu'elle ne puisse raccommoder l'économie toute seule.

«La Fed n'y va pas sur la pointe des pieds. Elle va utiliser tous les moyens qu'elle va trouver pour rétablir une économie de plein emploi non inflationniste», croit Sherry Cooper, économiste en chef chez BMO groupe financier.