Un milliard de dollars chaque année. C'est la somme que pourrait économiser Québec en revoyant son programme d'incitatifs à l'industrie pharmaceutique et en modifiant sa façon d'acheter et de distribuer les médicaments, selon une étude de l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC).

Une somme d'une telle ampleur risque de ne pas passer inaperçue en pleine campagne électorale. Les économies proposées par l'IREC sont en effet beaucoup plus importantes que les 600 millions que veut sabrer la Coalition avenir Québec chez Hydro-Québec, par exemple, ou que les 388 millions de redevances supplémentaires que veut aller chercher le Parti québécois dans la poche des entreprises minières.

«C'est un enjeu de taille, car les coûts en matière de médicaments vont augmenter de façon astronomique au cours des prochaines années à cause du vieillissement de la population», dit Oscar Calderon, économiste à l'IREC et l'un des auteurs de l'étude.

Les conclusions de l'IREC sont toutefois jugées «plutôt arbitraires» par Claude Montmarquette, président et directeur général du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

«Je ne dis pas qu'il n'y a pas de pistes là-dedans, mais ça fait abstraction de certaines réalités, notamment le fait que les prix payés pour les médicaments sont le résultat d'une négociation entre un acheteur et un vendeur», dit M. Montmarquette.

L'IREC propose plusieurs mesures pour abaisser la facture de médicaments des Québécois. La première est l'abolition de la règle des 15 ans, un engagement qui stipule que Québec paie aux patients la version originale d'un médicament pendant 15 ans, même si des versions génériques moins chères sont lancées sur le marché.

Les coûts de cette règle, qui a été créée pour soutenir l'industrie pharmaceutique innovante, ont explosé de près de 600% depuis six ans et atteindront 174 millions en 2012, selon les prévisions du dernier budget provincial.

«Cette règle est à revoir, à peu près tout le monde s'entend là-dessus», approuve Claude Montmarquette.

L'IREC propose ensuite de mettre la hache dans les régimes privés d'assurances collectives, qui assurent en médicaments 57% de la population du Québec. En lieu et place, les chercheurs proposent un «régime public de couverture universelle» qui assurerait tous les Québécois.

Selon les chercheurs de l'IREC, l'avantage serait d'instaurer une «politique d'achat centralisée» qui amènerait un meilleur rapport de force avec l'industrie et permettrait d'obtenir de meilleurs prix à la fois pour les médicaments d'origine et les médicaments génériques.

«Le problème du régime public, c'est que c'est lui qui assure les citoyens les plus vulnérables, par exemple les assistés sociaux et les personnes âgées, dit aussi Oscar Calderon, de l'IREC. Il y a un déséquilibre par rapport au privé.»

Claude Montmarquette conteste ces dernières conclusions de l'IREC. Il calcule qu'il en coûterait entre 2,5 et 3 milliards à l'État québécois pour prendre en charge les patients actuellement couverts par le privé, et doute de l'ampleur des économies que Québec pourrait obtenir en négociant avec les sociétés pharmaceutiques.

«Il y a peut-être des possibilités qui peuvent être faites là, mais le Québec n'est pas un très grand marché et son rapport de force ne serait pas très grand», croit M. Montmarquette.