Le moins qu'on puisse dire, c'est que le conseiller Michel Morin aura fait un passage remarqué au CRTC. Et pas seulement à cause du timbre feutré de sa voix, connue du grand public en raison de ses 30 années passées comme journaliste à la télé de Radio-Canada.

Durant son mandat de cinq ans comme conseiller au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) qui prend fin aujourd'hui, Michel Morin aura inscrit sa dissidence sur une quinzaine de la quarantaine de décisions auxquelles il a pris part.

«Je peux m'être trompé, mais j'essayais d'apporter un éclairage différent», dit-il en entrevue à La Presse Affaires.

L'ancien journaliste de Radio-Canada veut plus de transparence pour les téléspectateurs.

«J'estime qu'environ 6,5% de la facture du câble est attribuable aux divers fonds favorisant la programmation canadienne. Est-ce qu'on pourrait informer le consommateur qu'il paie pour ça? Le système n'est pas assez transparent. Aux États-Unis, toutes les moindres mesures réglementaires sont identifiées sur la facture», dit Michel Morin, qui croit que l'organisme réglementant la télé et les télécoms devrait examiner plus attentivement les systèmes de télé non réglementés comme Netflix.

«Une menace à moyen terme», dit-il.

Un point sur lequel il s'entendait avec ses collègues autour de la table du CRTC: on peut encadrer mais on ne peut pas empêcher la concentration des médias au pays.

«Il ne faut pas penser qu'on peut avoir de multiples entreprises dans les médias, dit-il. Nous sommes un petit pays: 33 millions avec deux langues officielles. Les médias, ça coûte cher et c'est risqué. La télé généraliste n'est pas sortie de ses difficultés. Nous avons des règles pour la concentration des médias.»

Pas étonnant donc que Michel Morin rejette l'idée de faire avorter l'achat d'Astral par Bell lors des audiences publiques du CRTC en septembre. «Tout le monde a peur, certaines personnes dans l'industrie ne veulent pas que la transaction ait lieu, mais Bell prend le risque d'investir dans le contenu, dit-il. Nous avons été très heureux quand Shaw a acheté du contenu (Global). Shaw s'est civilisé en prenant une compagnie de contenu virtuellement en faillite.»

»Chagriné» par l'information à Radio-Canada

Journaliste à Radio-Canada pendant 30 ans, Michel Morin observe aujourd'hui «avec un certain chagrin» l'information à la radio et à la télé publique.

«Radio-Canada innove dans sa programmation générale, mais pour l'information télé et la Première Chaîne en français, elle est de moins en moins là. À Montréal, la Première Chaîne est quatrième ou cinquième dans les cotes d'écoute tandis que CBC Radio One est première dans plusieurs grandes villes. Avec des animateurs de qualité comme Paul Arcand et Paul Houde, le 98,5 FM est devenu le nouveau Radio-Canada selon moi. À la télé, l'information est une locomotive semaine après semaine à TVA. Il n'y a pas que les cotes d'écoute, mais comment voulez-vous justifier la nécessité du diffuseur public quand les cotes d'écoute ne sont pas là?», dit Michel Morin, qui était numéro deux de la salle des nouvelles de Radio-Canada au moment de sa démission en raison d'une mésentente avec ses patrons.

Nommé conseiller du CRTC par le gouvernement Harper en août 2007, son mandat n'a pas été renouvelé et Michel Morin doit se tenir à l'écart du monde des médias pendant un an en raison des règles fédérales.

«Je n'aurais pas refusé d'être renommé, dit-il. Mais il semble que le gouvernement veut réduire le nombre de conseillers de 13 à 9 ou à 7. C'est la rumeur. Et comme je suis le premier conseiller national dont le mandat venait à terme...» La loi sur le CRTC ne prévoit pas un nombre minimum de conseillers.