Grâce à une déclaration rassurante du président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi, jeudi à Londres, les grandes places boursières d'Europe et d'Amérique du Nord ont enregistré des gains substantiels.

«Dans la mesure où la taille des primes sur les obligations souveraines compromet le mécanisme de transmission de la politique monétaire, ça fait partie de notre mandat, a-t-il indiqué. À l'intérieur de son mandat, la BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l'euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant.»

Investisseurs et spéculateurs ont soudain retrouvé un certain appétit pour le risque qui a poussé tous les grands indices boursiers européens à la hausse. Le gain le plus fort a été enregistré à Madrid, où l'IBEX 35 a bondi de 6%.

La déferlante a dopé aussi les grands indices nord-américains, mais les gains y ont été moins spectaculaires.

Les mots de M. Draghi ont aussi fait reculer les taux sur les obligations souveraines européennes, qui restent malgré tout à des niveaux inquiétants. Le taux des obligations espagnoles de 10 ans a reculé de plus d'un demi-point et est repassé tout juste sous le seuil critique de 7%. Il avait atteint 7,7% en début de semaine après que la région autonome de Catalogne eut admis son incapacité à se refinancer sur les marchés.

L'Italie a réussi un emprunt de 1,5 milliard d'euros hier pour lequel elle a dû consentir un taux de 4,86%, le plus élevé quand même depuis novembre.

L'effet Draghi s'est fait sentir aussi sur le marché des devises. Le dollar américain, monnaie refuge, s'est replié face à toutes les autres devises, à l'exception du nouveau peso argentin. Cela a permis au huard de refranchir la barre des 99 cents d'équivalence.

«Des commentaires de ce genre, en plus d'insuffler un certain enthousiasme envers une résolution éventuelle de la crise européenne, viennent surtout ajouter une très grande incertitude sur les actions à venir de la part de la BCE, fait remarquer Stéphane Goulet, directeur, cambiste corporatif, à la Banque Laurentienne. Il reste maintenant à savoir si les paroles de «super Mario» mèneront à du concret, à défaut de quoi l'effet intervention verbale sera perdu.»

Que faire?

La BCE, la Banque d'Angleterre et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont prévu des réunions statutaires la semaine prochaine. Au cours de leur dernière réunion, elles ont toutes trois annoncé de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire, sans parvenir à relancer la confiance des investisseurs et des prêteurs.

La BCE avait ramené son taux directeur à 0,75%, un creux historique. Elle avait aussi réduit à zéro les intérêts versés aux institutions financières qui lui confient une partie de leurs liquidités, dans le but de stimuler le crédit aux ménages et aux PME. Elle avait enfin abaissé au niveau BBB la qualité des actifs qu'elle accepte en nantissement pour prêter aux banques, en particulier les espagnoles aux prises avec de lourds portefeuilles de prêts hypothécaires à risque.

On spécule qu'elle pourrait annoncer la semaine prochaine la reprise de ses achats d'obligations souveraines sur le marché secondaire, une opération qui avait pour but de faire reculer les coûts d'emprunt de l'Espagne et de l'Italie.

Elle a interrompu ce programme, au début de mars, afin de forcer Rome et Madrid à adopter des plans budgétaires rigoureux et crédibles, ce qui a été fait.

Elle pourrait aussi lancer une troisième ronde de refinancement à long terme (prêts de trois ans au taux de 1%) pour injecter des liquidités dans les banques. Les deux premières rondes (en décembre et février) ont permis l'injection de plus de 1000 milliards d'euros. Force est de constater que bien peu de cet argent a vraiment été investi dans l'économie.

Pour éviter que cet argent reste gelé à la BCE, celle-ci pourrait décider d'offrir un rendement nominal négatif dans le but d'inciter les banques à prêter, si elles trouvent des emprunteurs de qualité.

Une autre option consisterait à diminuer encore le taux directeur. Dans le contexte actuel, cela pourrait avoir pour effet pervers de figer le prêt interbancaire: le rendement ne couvrirait pas les frais d'administration.

Les autres options, comme l'octroi d'un statut bancaire au futur Mécanisme de stabilité financière, exigent des changements législatifs dans plusieurs pays de l'Eurogroupe.

L'effet Draghi sera forcément de courte durée, car beaucoup voudront empocher les rapides profits d'hier.